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Page:Reclus - Histoire d'une montagne, 1880.djvu/151

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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

les neiges tombées jadis sur le sommet de la montagne se trouvent en avoir descendu les pentes. D’autres neiges ont pris leur place et s’écouleront aussi par une série de fusions, sans que pourtant elles aient à subir le moindre changement apparent. Il est vrai qu’elles ont devant elles l’infini des âges ; c’est avec lenteur qu’elles se hâtent vers la mer, où elles doivent aller s’engloutir un jour. Lorsque déjà deux générations d’hommes se sont succédé dans les plaines inférieures, tel flocon de neige tombé sur une haute cime n’est pas encore sorti de la masse du névé.

Mais, si lent qu’il soit, ce flocon changé en cristal n’en avance pas moins. La masse de névé, devenue plus homogène et déjà transformée en glace, s’engage dans la gorge de la montagne où l’entraîne son poids. Toujours immobile en apparence, l’amas de glace est maintenant devenu un véritable fleuve coulant dans un lit de rochers. À droite et à gauche, sur les pentes, la neige d’hiver est complètement fondue, et des herbes fleuries l’ont remplacée. Tout un monde d’insectes vit et bourdonne dans les gazons des pâturages ; l’air