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LE GLACIER.

est doux, et l’homme conduit ses troupeaux sur des escarpements herbeux d’où le regard descend au loin sur le courant glacé. Et celui-ci, d’un incessant effort, continue toujours son voyage vers la plaine ; il s’épancherait jusque dans les campagnes unies de la base des monts, il atteindrait la mer elle-même, si la douce température des vallées inférieures, la tiédeur des vents, les rayons du soleil, ne parvenaient à fondre ses glaces avancées.

Dans son cours, le fleuve solide se comporte comme le ferait une vraie rivière d’eau vive. Il a aussi ses méandres et ses remous, ses maigres et ses crues, ses « dormants », ses rapides et ses cataractes. Comme l’eau qui s’étale ou se rétrécit suivant la forme de son lit, la glace s’adapte aux dimensions du ravin qui l’enferme ; elle sait se mouler exactement sur la roche, aussi bien dans le vaste bassin où les parois s’écartent de part et d’autre, que dans le défilé où le passage se ferme presque entièrement. Poussé par les masses dont l’alimente incessamment le névé supérieur, le glacier continue toujours de glisser sur le