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Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/168

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veillés de leur sommeil et s’entre-choquaient avec un bruit sourd ; des arbres déracinés se redressaient hors de l’eau, plongeaient lourdement et se brisaient entre les pierres coulées ; les berges tremblaient incessamment sous le choc des énormes projectiles que lançaient contre elles les eaux en fureur.

Pendant toute la nuit, la Chirua continua de mugir, mais le fracas s’amoindrit peu à peu ; l’eau, noire de débris, devint plus claire ; les lourds rochers que poussait le flot, s’arrêtèrent au milieu du courant. Lorsque les rayons du soleil répandirent à la surface du torrent leurs premières traînées d’étincelles, il me sembla que l’eau avait assez décru pour me permettre d’en tenter le passage et de continuer ma route : ayant noué mes habits en une sorte de turban que j’enroulai autour de ma tête, je me hasardai dans le flot, mais ce n’est point sans danger que j’atteignis enfin l’autre bord. Le flot rapide faisait trembler mes jambes et fléchir mes