Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/169

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genoux, des rocs pointus me déchiraient les pieds, de grosses pierres venaient me heurter, le courant me poussait vers les rapides. Quand j’arrivai enfin sain et sauf sur l’autre rive, je regrettai de n’avoir pas eu la bonne idée du paysan autrichien, attendant naïvement sur le bord du Danube que le fleuve eût cessé de couler : quelques heures après mon passage, la Chirua n’était plus qu’un filet d’eau serpentant au milieu des pierres et de bloc en bloc j’aurais pu la franchir en quelques sauts.

Heureusement ces crues soudaines que l’on devrait nommer des avalanches d’eau, changent d’allure à la base des montagnes. Dans la plaine, où la déclivité du sol est relativement faible et même tout à fait inappréciable au regard, la masse liquide du ruisseau perd de sa force d’impulsion et cesse de pousser devant elle les débris écroulés des escarpements : les blocs de rochers s’arrêtent les premiers, puis les grosses pierres et les cailloux ; à la fin, le torrent devenu ruisseau, ne