Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/310

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

flamme, il peut recommencer son voyage du cœur aux extrémités, et rouler la chaleur et la vie d’artère en artériole. Dans nos cités, au contraire, corps informes où s’ébauche l’organisation, l’eau souillée continue de couler dans les égouts et va polluer les fleuves, où elle ne se purifie que lentement, sans être reprise par l’industrie humaine pour alimenter la ville en entrant dans la circulation souterraine. Mais cette épuration, que la science de l’homme a le tort de ne pas accomplir, les forces de la nature y travaillent de concert avec les habitants des eaux. À toutes les bouches d’égout où ne plonge pas sans cesse l’avide hameçon du pêcheur à la ligne, des multitudes de poissons, entassés parfois en véritables bancs comme les harengs de la mer, se repaissent avec volupté des restes de festins apportés par le torrent boueux ; les limons des murailles et des berges, les herbes frémissantes du fond retiennent aussi et font entrer dans leur subsistance les molécules de fange qui les baignent ; les