Aller au contenu

Page:Reclus - La Commune de Paris au jour le jour.djvu/177

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
167
journal de la commune

blème : la Quadrature du Cercle. Hélas, nous savons que le cercle et le carré sont des figures absolument inéquivalentes, et que l’une sera toujours plus grande que l’autre, au moins d’une fraction infinitésimalement petite. De même, ces deux expressions : individu et collectivité, liberté et solidarité sont décidément irréductibles l’une dans l’autre. Politiciens, économistes, socialistes, tous tant que nous sommes, nous cherchons des formules de plus en plus simples pour réduire de plus en plus les différences, nous nous flattons tous d’abattre une petite quantité de la fraction mais il y aura toujours un reste quelconque, la fraction, irréductible protestera toujours, quelque chose d’irrationnel persistera pendant que quelque chose de rationnel subsistera, et voilà pourquoi les Manichéens n’avaient pas tort quoi qu’on en ait dit, et voilà pourquoi le vaste et lumineux Ormuzd n’absorbera jamais un dernier point noir : l’âme même du ténébreux Ahrimane.

Le manifeste qu’il ne faut pas trop prendre à la lettre comme on voit, n’est donc autre chose que la manifestation passionnée du droit que Paris a de se gouverner par lui-même et d’exister par lui-même. C’est une réponse enfiévrée à la loi municipale votée par l’Assemblée rurale sur les injonctions de M. Thiers. M. Thiers ordonne que les villes, les grandes villes surtout, et Paris tout particulièrement soient régies par le Gouvernement central, qui leur dépêchera des Préfets et Proconsuls. Eh bien ! non ! Paris jouira d’une autonomie absolue. Et puisque M. Thiers et ses circulaires propagent toujours le mot d’ordre que Paris veut imposer ses caprices aux autres villes et à la province, nous déclarons, nous, que Paris ne prétend à aucune suprématie, et que toute localité pourra jouir elle aussi de son autonomie absolue, pourvu que Paris soit parfaitement indépendant et que des plébiscites ruraux ne lui imposent plus des Bonaparte, des Bourbons, des Orléans ou quelque autre personnalité désagréable.

Chose curieuse, et qui montre dans quel chaos d’idées nous nous débattons, — que ce soit la fin ou que ce soit le renouvellement d’un monde, c’est qu’en prenant juste le contrepied de la loi Thiers, la Commune arbore soudain le programme de ses ennemis mortels, les légitimistes, les cléricaux et gros propriétaires, tous les barons de la finance