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Page:Reinach - Cultes, mythes et religions, Tome II, 1909.djvu/233

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à la volonté de Xerxès par des attaches considérées comme indestructibles[1]. S’il est vrai, comme on le raconta à Hérodote, que les chaînes jetées dans le détroit avaient été préalablement rougies au feu, c’est sans doute que le contact du fer incandescent et de l’eau froide devait produire un bouillonnement, un sifflement qui pût être interprété comme l’acceptation de l’offrande et de l’alliance.

Mais les trois cents coups de verges donnés à la mer ? Déjà Spiegel a supposé qu’il pouvait s’agir là d’un rite magique, de passes exécutées par les prêtres avec leurs baguettes[2]. Mais on peut expliquer le récit d’Hérodote sans substituer des baguettes aux verges. L’acte relaté par l’historien grec est un des nombreux cas de flagellation rituelle - comme la flagellation des enfants spartiates, celle que pratiquaient les Luperques à Rome - ayant pour but de communiquer à la personne ou à la chose frappée quelque chose de la sainteté et du pouvoir magique qui résident dans l’instrument employé à cet effet. Or, les prêtres iraniens se servaient, dans beaucoup de cérémonies, du baresman, faisceau de tiges d’arbres, en nombre variable, liées avec un lien fait de feuilles de dattier et reposant sur un support dit barsôm-dîn ou mâhrû qui, dans le sacrifice, représentait, dit-on, l’ensemble de la nature végétale. Il y avait des règles de la cueillette du barsôm, comme, chez les druides, pour celle du gui, d’autres règles sur la façon de le préparer, de le lier, sur le nombre des tiges, etc. [Darmesteter, Zend-Avesta, t. III, p. 207]. Suivant Hérodote, la flagellation précéda l’immersion des chaînes. Indépendamment du pouvoir magique attribué aux verges, il y avait, dans cet acte rituel, un appel aux éléments. Dans l’hymne homérique à Apollon (v. 333), Héra, avant d’adresser une prière à la Terre (Gaia) et aux Titans qui habitent

  1. Je ne crois pas qu’il ait pu s’agir d’enchaîner le génie ou le démon de l’Hellespont comme un esclave : Xerxès avait trop besoin de la bienveillance des flots pour se permettre de les traiter avec rigueur et risquer de les provoquer ainsi à la vengeance.
  2. Spiegel, Eranische Altertumskunde, t. II, p. 191, n. 1, cf. Wecklein, Über dite Tradition der Perserkriege, p. 258 ; Hauvette, Hérodote, p. 298.