Page:Reinach - Diderot, 1894.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
97
ROMANS ET SATIRES.


il appuie ; Sterne sourit, il s’esclaffe ; Sterne s’amuse, il déclame ; Sterne mouille ses lèvres à la coupe, il vide le pot jusqu’à la dernière goutte. « Un jour un enfant, assis au pied du comptoir d’une lingère, criait de toutes ses forces ; la marchande, importunée de ses cris, lui dit : « Mon ami, pourquoi criez-vous ? — C’est qu’ils veulent me faire dire A. — Et pourquoi ne voulez-vous pas dire A ? — C’est que je n’aurai pas sitôt dit A, qu’ils voudront me faire dire B. » Sterne s’arrêtait à B, mais Diderot, comme Jacques, va jusqu’à la fin de l’alphabet.

Vous avez assisté au spectacle d’un feu d’artifice ; que vous en reste-t-il dans le cerveau ? Un éblouissement désordonné et confus. Vous avez vu tourner dans le ciel des roues de feu, courir dans l’air des serpents de flamme, éclater dans les nuages des incendies de marcassites, d’améthystes, de rubis, d’iris et d’émeraudes, s’épanouir dans l’infini des gerbes d’or liquide et brillant, tout cela dans une rumeur faite de milliers de crépitements et de détonations, dans une atmosphère tiède, chargée de poudre et de salpêtre. Lisez maintenant le Neveu de Rameau : vous n’en recevrez pas une autre impression.

C’est un feu d’esprit, le plus éblouissant, le plus divertissant qui se puisse voir ; mais est-ce autre chose ? Évidemment, et Diderot l’indique expressément dans son sous-titre ; seulement, quoi qu’on ait dit et, par conséquent, redit, ce n’est pas un symbole,

7