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LES SALONS.


Restout : « Il s’agit bien de toucher de son sceptre une femme charmante, adorée et qui meurt de douleur ! Que deviendrais-je si je voyais Sophie dans cet état ! Comme je serais éperdu, quels cris je pousserais ! Mais non, l’insensible et froid monarque ne dit rien de tout cela. Ah ! je ne veux pas régner ! j’aime mieux aimer à mon gré ! » Mais quoi ! vous lui reprochiez de n’être qu’un littérateur : il vous prouve qu’il est autre chose, qu’il est devenu vraiment le « sacristain de l’Église ». Et c’est dans cet aride et fastidieux salon de 1781 qu’il découvre David, qu’il le salue le premier, qu’il proclame avant tous la noblesse naturelle de ses attitudes, « son habileté à jeter des draperies et à faire de beaux plis », la solidité de son dessin. Il s’agit du Bélisaire, aujourd’hui au musée de Lille :


… Tous les jours je le vois,
Et crois toujours le voir pour la première fois.


Si Diderot n’a accordé que sur le tard à l’orthographe et à la grammaire de la peinture toute l’attention qui convient, il a eu, dès le début, un sentiment très vif de la composition. La composition n’est pas le sujet, c’est l’art d’interpréter un ensemble, et qu’il s’agisse d’un portrait ou d’une scène historique, d’une nature morte ou d’un paysage, il en parle à merveille. Ce n’est point qu’il refasse toujours avec autant de bonheur que d’esprit et d’allègre fantaisie la composition des tableaux. Un tableau recommencé sur ses indications restera le