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DIDEROT.


d’un artiste qui croit qu’une tête très grande, c’est une grosse tête, et qui vous répond du volume, quand vous lui parlez du caractère ? » Il sent encore le mot profond du sculpteur Lemoine : « Il faut trente ans de métier pour savoir conserver une esquisse » ; il écrit lui-même : « Je sais ce que cela deviendra est un mot qui n’est que d’un artiste consommé ». Le dessin surtout finit par le préoccuper : « Paul Véronèse se donnait la peine de faire des pieds, des mains ; mais on en a reconnu l’inutilité et ce n’est plus l’usage d’en peindre, quoique ce soit toujours l’usage d’en avoir. « Enfin, dans ses deux derniers Salons, ceux de 1775 et 1781, Diderot renonce entièrement à l’esprit, à la rhétorique, à la littérature ; sous l’influence des peintres et des sculpteurs qui l’ont initié : Chardin et Falconet, il ne s’occupe plus que de la technique et en remontre victorieusement aux hommes du métier. Ses beaux discours d’antan de onini re scibili sont remplacés presque exclusivement par des notes comme celles-ci : « Cette jambe est d’un bon pouce trop courte ; ces têtes sont trop grosses, ce qui rend les figures trop courtes ; carnation de pain d’épice ; point de dessin, draperies de bois ; les muscles mastoïdes forment deux cordes qui ont l’air de soutenir la tête avec effort ; les mains sont engorgées ; assez bien dessiné, mais sec. »

Et, peut-être, devant cette métamorphose, allez-vous regretter les scènes tragi-comiques qu’il donnait naguère devant l’Évanouissement d’Esther par