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L’ENCYCLOPÉDIE.


est misérable. » Et, dès lors, comment nier qu’en dressant l’exposé de la science des métiers, il ait entrevu dans ce monument qu’il élevait aux classes ouvrières les assises d’un monde nouveau ?

On annonce simplement les choses qui sont vraiment grandes ; au milieu de l’emphase qui obscurcit souvent, comme une buée opaque, la phrase de Diderot, une gravité inusitée fait jaillir d’un vif relief les pages du Prospectus qui servent d’introduction à l’histoire du travail manuel et de ses génies anonymes. Il expose en quelques lignes les raisons qui l’ont déterminé à faire dans l’Encyclopédie une part considérable et toute nouvelle aux arts mécaniques et, plus simplement encore, résume la méthode de l’immense enquête qu’il a commencée. « On s’est adressé aux plus habiles ouvriers de Paris et du royaume ; on s’est donné la peine d’aller dans leurs ateliers, de les interroger, d’écrire sous leur dictée, de développer leurs pensées, d’en tirer les termes propres à leurs professions, d’en dresser des tables, de les définir, de converser avec ceux dont on avait obtenu des mémoires, et (précaution presque indispensable) de rectifier, dans de longs et fréquents entretiens avec les uns, ce que d’autres avaient imparfaitement, obscurément et, quelquefois, infidèlement exprimé. » Non seulement il se fera apprenti lui-même pour connaître le détail des industries, mais, ayant observé qu’« à peine, entre mille artisans, en trouve-t-on une douzaine capables de s’exprimer avec quelque clarté sur les instruments qu’ils