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L’ENCYCLOPÉDIE.


public (il n’avait encore rien publié sous son nom), connu du gouvernement surtout par ses « fautes », il eut l’habileté de s’adresser d’abord à d’Alembert qui était membre des Académies, « n’avait jamais eu d’aventures » et jouissait de ce crédit moral qui n’est pas seulement l’apanage légitime de la probité, mais le bénéfice, non moins légitime d’ailleurs, de la tenue même dans la vie. D’Alembert accepta, non pas une simple collaboration, mais la véritable association qui lui était offerte, prit la direction de toute la partie mathématique et écrivit le Discours préliminaire, servant de préface. Ce morceau de grande allure, d’une élégance simple et vraiment exquise de style, courageux sans témérité, sagace sans profondeur, vigoureux sans éloquence, lumineux sans éclairs, fut reçu par un immense applaudissement qui s’étendit à toute l’Europe et décida du succès de l’Encyclopédie. La mode — mais en fut-il jamais de plus belle ? — était à l’étude des origines. Montesquieu venait de retrouver dans l’Esprit des lois les titres égarés du genre humain ; Buffon avait essayé de décrire les premières émotions du premier homme s’éveillant à la vie ; Rousseau recherchait les causes de l’inégalité parmi les hommes ; la statue de Condillac expliquait la génération des facultés de l’âme. Quand d’Alembert, descendant à son tour dans l’arène, retraça dans son Discours la généalogie des connaissances humaines, ce fut un événement ; l’admiration fut unanime, les salons s’enflammèrent, Voltaire proclama que

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