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d’un côté ; ce qui restait avec les pieds tomba en arrière. Gudruna, qui dormait sans inquiétude à côté de Sigurd, se réveilla nageant dans le sang. Elle frappa si violemment ses deux mains, que le héros au cœur d’acier se souleva sur son lit. « Ne pleure pas si amèrement, ma jeune épouse : tes frères vivent… » La reine poussa un soupir, et le roi rendit l’âme : elle frappa si violemment ses fortes mains, que les coupes de fer retentirent, et que, dans la cour, les oies crièrent.

Alors Brunhilde rit : elle rit une fois de tout son cœur, quand de son lit elle put entendre les gémissemens aigus de la fille de Giuki.

Gunar indigné lui dit : Tu ne ris pas, femme furieuse, d’un bonheur qui te soit réservé, tu pâlis : il semble que la mort va te saisir. Tu mériterais que nous missions à mort devant toi ton frère Atli, tu verrais ses blessures ; tu serais obligée de bander ses plaies sanglantes. Mon frère est plus puissant que vous, dit Brunhilde. Puis elle se plaint de sa destinée : elle ne voulait pas se marier. Son frère l’y a forcée ; alors elle n’a voulu que Sigurd. — Je n’ai jamais aimé qu’un seul homme, dit-elle. Je n’avais pas une âme changeante. Atli apprendra tout cela quand il demandera si j’ai accompli mon voyage chez Héla. Je ne suis pas femme d’un cœur assez faible pour passer ma vie avec un autre époux. Un jour ma vengeance viendra sur mes ennemis.

Gunar, le chef des guerriers, se leva et jeta ses bas autour du cou de Brunhilde, et chacun se mit en devoir l’un après l’autre de calmer sa douleur.

Elle repoussa tout le monde et ne se laissa pas détourner du long voyage.

Gunar fit appeler Hogni pour lui parler. « Je veux, dit-il, que tous les guerriers viennent dans ma salle, les tiens comme les miens ; maintenant il en est besoin pour empêcher que cette femme ne fasse le voyage de la mort, et qu’un malheur ne résulte de ses discours : qu’en tout ceci le destin gouverne. »

Mais Hogni répondit à cela : « Ne la détourne nullement du long voyage d’où puisse-t-elle ne jamais revenir. Funeste elle est