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REVUE DES DEUX MONDES.

À quoi le duc d’Orléans répondait en bon et joyeux camarade :

— Allume ton cigarre à mon cigarre, Reichstadt. — Il y a une Madone à saluer là-bas, Bordeaux ! bon voyage, mes cousins ! et bonne chance ! Voyez-vous, à pied ou à cheval, celui de nous qui entrera le premier en France, c’est celui à qui la France dira la première : Entrez !

Et ils se séparèrent, quand d’Orléans revint sur ses pas et leur dit gravement : — Toi, Napoléon, et toi, Henri, je vous pardonne de n’être plus, toi, roi de France, et toi, empereur des Français…


Mais à quels rêves s’emporte mon esprit ! À quels accidens je m’arrête ! quelle histoire cela eût faite, si ces trois jeunes gens, qui agitent le monde, représentans de trois idées, tous trois représentans jeunes, tout neufs, pleins de loyauté, étaient venus parmi nous, leurs contemporains et leurs égaux, pour discuter loyalement ces immenses questions de passé et d’avenir, également incomplètes et insolubles sous l’Empire, sous la Restauration et sous la Révolution de juillet !

Mais le destin n’a pas voulu que cette solution importante fût remise à des cœurs jeunes et neufs, il a brusquement enlevé de l’arène un des trois champions qui devaient entrer dans la lice : Napoléon ii n’est plus ! Retirez-vous, jeunes gens, vous n’êtes plus dans la question, et vous, peuples, jetez en l’air une médaille à l’effigie de César ou de Pompée : pile ou face ! César ou Pompée ! la République ou l’Empire ! Le hasard en décidera.


Au château d’Hermières, le 8 août 1832.


jules janin.