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que le parlementaire de la veille n’était venu que pour mettre à terre M. Douville, naturaliste envoyé par le gouvernement français, pour explorer l’Amérique du sud. M. Douville fut accueilli par ses compatriotes avec les égards que méritait la mission dont ils le croyaient chargé, et peu de jours après son arrivée, M. Ramon Larrea, l’un des principaux négocians de la ville, pour lequel il avait une lettre d’introduction, donna en son honneur un grand dîner de vingt couverts auquel je fus invité. Je fus placé à côté de M. Douville. Pendant toute la durée du repas, il garda un silence modeste, chose assez rare parmi les voyageurs, et ne fit que des réponses évasives et polies aux questions que lui adressaient les convives.

Plusieurs Français recherchèrent la connaissance de M. Douville, et reçurent de lui quelques détails vagues sur ses précédens voyages. C’était une chose merveilleuse que le nombre et l’étendue des pays que ce voyageur avait déjà parcourus ; l’Europe presque tout entière, le cap de Bonne-Espérance, l’Inde, la Perse, l’Amérique du sud, avaient été tour à tour le théâtre de ses explorations. Il avait même pénétré, par terre, depuis le fleuve des Amazones jusque dans le sud des Pampas de Buenos-Ayres, où il avait vécu parmi les Indiens farouches qui les habitent ; mais par une circonstance particulière, il n’avait pas visité Buenos-Ayres même, malgré la faible distance qui l’en séparait dans le cours de cet immense voyage. Personne dans le pays n’en avait jamais ouï parler, quoique M. Douville l’indiquât comme ayant eu lieu à une époque assez récente. Un soir qu’il en causait chez M. Roberge, pharmacien, où se réunissait d’habitude l’élite des Français établis à Buenos-Ayres, on le pria de vouloir bien indiquer sur une feuille de papier les principaux points de la République Argentine, par lesquels il avait dû nécessairement passer. Il essaya de le faire, mais malheureusement il plaça à l’ouest ce qui devait être à l’est, au nord ce qui était au sud, et ainsi du reste. Ces erreurs parurent singulières chez un naturaliste et un géographe. Moi-même, quelque temps auparavant, j’avais reçu la visite de M. Douville, qui me fut présenté par M. Dutilleul, ancien payeur de l’armée d’Espagne, fixé depuis peu à Buenos-Ayres. Nous parlâmes naturellement de ses voyages, et j’appris