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REVUE DES DEUX MONDES.

Un malheureux de plus qui maudira le jour.
Point d’amour ! et partout le spectre de l’amour !

Cloîtres silencieux, voûtes des monastères,
C’est vous, sombres caveaux, vous qui savez aimer.
Ce sont vos froides nefs, vos pavés et vos pierres
Que jamais lèvre en feu n’a baisés sans pâmer.
Oh ! venez donc r’ouvrir vos profondes entrailles
À ces deux enfans-là, qui cherchent le plaisir
Sur un lit qui n’est bon qu’à dormir ou mourir.
Frappez-leur donc le cœur sur vos saintes murailles,
Que la haire sanglante y fasse entrer ses clous.
Trempez-leur donc le front dans les eaux baptismales ;
Dites-leur donc un peu ce qu’avec leurs genoux
Il leur faudrait user de pierres sépulcrales,
Avant de soupçonner qu’on aime comme vous.

Oui, c’est un vaste amour qu’au fond de vos calices
Vous buviez à plein cœur, moines mystérieux !
La tête du Sauveur errait sur vos cilices,
Lorsque le doux sommeil avait fermé vos yeux ;
Et quand l’orgue chantait aux rayons de l’aurore,
Dans vos vitraux dorés vous le cherchiez encore.
Vous aimiez ardemment ! oh ! vous étiez heureux !

Vois-tu, vieil Arouet ? cet homme plein de vie,
Qui de baisers ardens couvre ce sein si beau,
Sera couché demain dans un étroit tombeau.
Jetterais-tu sur lui quelques regards d’envie ?
Sois tranquille, il t’a lu, rien ne peut lui donner
Ni consolation, ni lueur d’espérance.
Si l’incrédulité devient une science,
On parlera de Jacque, et, sans la profaner,
Dans ta tombe ce soir tu pourrais l’emmener.

Penses-tu cependant que si quelque croyance,
Si le plus léger fil le retenait encor,