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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/496

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REVUE DES DEUX MONDES.

venir peut-être. Votre vieillesse allait s’asseoir dans un palais, et vous êtes partie pour un monde où je ne puis plus rien pour vous ? Tâchez, si vous allez en purgatoire, que les bras de mes frères vous délivrent et vous ouvrent les portes du ciel… Pour moi, je n’ai plus rien à faire, ma tâche est finie. Toutes les herbes de la verte Innisfail peuvent pousser dans mon cerveau maintenant, je le mets en friche… Il est temps que je me repose ; j’ai assez souffert pour toi, vieille femme, spectre blême, dont le souvenir sacré m’a fait accomplir de si rudes travaux, apprendre tant de choses ardues, passer tant de nuits glacées sans sommeil et sans manteau ! Sans toi, sans l’amour que j’avais pour toi, je n’aurais jamais été rien. Pourquoi m’abandonnes-tu au moment où j’allais être quelque chose ? Tu m’ôtes une récompense que je méritais ; c’était de te voir heureuse, et tu meurs dans le plus odieux jour de notre misère, dans la plus rude de mes fatigues ! Ô mère ingrate, qu’ai-je fait pour que tu m’ôtes déjà mon unique desir de gloire, ma seule espérance dans la vie, l’honnête orgueil d’être un bon fils !… Vieux sein desséché qui as allaité six hommes et demi, reçois ce baiser de reproche, de douleur et d’amour… ( Il se jette sur elle en sanglotant.) — Hélas ! ma mère est morte !



Scène III.


JANE, ALDO.
JANE.

Est-ce que votre mère est morte ? Hélas ! quelle douleur !

ALDO.

Ah ! tu viens pleurer avec moi, ma douce Jane, sois la bienvenue ! Mon âme est brisée, je n’espère plus qu’en toi.

JANE.

Qu’est-ce que je puis faire pour vous, Aldo ? Je ne puis pas rendre la vie à votre mère.

ALDO.

Tu peux me rendre sa tendresse, sa mélancolique et silencieuse compagnie, et surtout le besoin qu’elle avait de moi, le devoir qui