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LE THÉÂTRE EN ITALIE.

de sa mésaventure ; il fait plus, il se décide à célébrer cette délivrance, qui s’est opérée sans son concours, par de grandes réjouissances. Il n’est pas bien certain, en effet, de n’avoir pas été pour quelque chose dans la déconfiture du Turc, qui, en apprenant sa prise d’armes, n’aura pas osé l’attendre de pied ferme. À cet effet, il convoque de nouveau ses compagnons d’aventures.

Dans les chants qui suivent, nous assistons aux préparatifs de la grande fête et à la fête elle-même, et nous retrouvons toujours Meo Patacca jurant, querellant, goguenardant, et se débarrassant d’une manière fort expéditive tantôt d’un rival, tantôt d’un insolent qui ose lui tenir tête. Mais la fête tire à sa fin, et Meo Patacca va être obligé de licencier une seconde fois son armée, quand tout à coup on apprend que la ville de Bude en Hongrie vient d’être emportée d’assaut par l’armée des chrétiens ; le bruit court en même temps que les juifs qui habitaient la ville se sont joints aux Turcs pour repousser l’assaut. À cette nouvelle, l’héroïque Meo Patacca se sent transporté d’une sainte colère ; ses compagnons sont encore réunis, il les harangue. Les juifs sont les alliés des Ottomans, il faut se venger des juifs ; la gloire qu’ils comptaient recueillir à Vienne, c’est dans le Ghetto (le quartier des juifs) qu’il faut l’aller chercher. Jamais plus belle occasion ne se présentera de venger le nom chrétien, et en même temps de remplir sa bourse. Les compagnons de Meo Patacca ne se le font pas dire deux fois ; ils se précipitent, à la suite de leur chef, vers le Ghetto, qu’ils attaquent et mettent au pillage pour la plus grande gloire de Dieu.

C’est par ce bel exploit que se termine le poème de Meo Patacca. Il y avait bien quelque chose à reprendre dans cette manière leste avec laquelle ce héros met un quartier de Rome au pillage ; mais devait-on y regarder de si près avec des juifs ? Joseph Berneri, l’auteur du poème, n’a donc pas hésité à le dédier à l’illustre D. Clément Rospigliosi, depuis Clément XI ; aussi ce poème est-il très orthodoxe, c’est un des livres favoris du peuple romain, et naguère encore Pinelli l’a illustré de ses compositions.

Berneri a chanté le plus glorieux exploit de Meo Patacca. Depuis son héros a beaucoup déchu. Quand le poignard fut prohibé, Meo Patacca, ayant persisté à en faire usage, se fit une mauvaise affaire avec les sbires, et fut obligé de gagner la Macchia, et de chercher fortune sur les routes de Piperno et d’Itri. Il n’en veut pas aux pauvres diables ; ce sont les riches seulement qu’il rançonne. S’ils n’ont pas sur eux d’argent comptant, il les emmène avec lui dans la mon-