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plir, il n’a pas suivi son impulsion personnelle, mais il a obéi au vœu de ses concitoyens et n’a agi que d’après leurs instructions. — Son seul désir a toujours été, depuis le commencement des troubles de 1832, dont il ne fait un crime à personne, d’éviter au Texas une révolution violente. On retrouve les mêmes sentimens et le même langage dans une lettre d’Austin à un habitant de la Nouvelle-Orléans, où il se plaint doucement du bon peuple de la colonie, dont la fiévreuse ardeur l’a précipité dans cet embarras. Le commissaire texien était en prison quand il écrivait ces lettres, je le sais ; mais je n’en hésiterais pas moins à l’accuser d’hypocrisie ou de lâcheté. C’était, je suppose, un caractère assez timide, ennemi du désordre et de l’agitation révolutionnaire, un de ces hommes qui suivent les grands mouvemens politiques et ne les commencent, ni les arrêtent, ni les dirigent. Le gouvernement mexicain, qui est d’ailleurs assez débonnaire, ne le jugea point dangereux et lui rendit bientôt la liberté. Quant au bon peuple du Texas, une fois son parti pris d’être indépendant, il ne mit point Stephen Austin à sa tête et l’envoya aux États-Unis pour obtenir des secours de la sympathie des populations.

Tandis que le gouvernement de Mexico résistait au désir de séparation manifesté par le Texas, l’anarchie qui régnait au centre de la république se propageait dans l’état de Cohahuila. Santa-Anna ayant dissous le congrès général le 13 mai 1834, cette mesure violente et d’une légalité fort contestable devint le signal de nouvelles divisions dans plusieurs provinces. À Monclova, qui était le siége du gouvernement de l’état de Cohahuila et Texas, il se forma en faveur du président un parti militaire, qui élut un nouveau gouverneur de la province, et, appuyé par la soldatesque, établit à Saltillo une espèce d’administration rivale de l’autorité légitime. Les colons anglo-américains étaient complètement étrangers à cette révolution. Devaient-ils en profiter pour consommer leur scission, et organiser enfin chez eux leur propre gouvernement, malgré les conseils de Stephen Austin ? Les plus ardens le voulaient ; mais ils se trouvèrent en minorité. Le grand nombre hésitait encore à prendre une résolution aussi grave, et les conseils de la modération l’emportèrent sur ceux de la violence. Il est vrai que le Texas venait d’obtenir de la législature de l’état l’institution du jury et une cour de justice spéciale. La tranquillité publique parut donc momentanément rétablie.

Cependant il se préparait au Mexique une révolution fondamentale dans le système du gouvernement. Santa Anna, le héros du fédéralisme, dissimulait à peine son désir de renverser la constitution de 1824. Les pétitions en faveur du centralisme circulaient impunément,