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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/57

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LES MISSISSIPIENS.

ceptions. Quant à moi, je suis prêt, et je vous l’ai dit déjà souvent, un semblable martyre vaut bien tous ceux qu’on a affrontés et subis jusqu’ici pour des querelles de religion.

LE DUC, ému.

C’est beau, c’est très beau, ce que vous dites là, mon pauvre Bourset, et j’ai parfois envie de me risquer aussi, le diable m’emporte !

BOURSET.

Vous, monsieur le duc ? je ne vous le conseille pas.

LE DUC.

Et pourquoi ?

BOURSET.

À votre âge on a besoin de repos, on a suffisamment rempli sa tâche en ce monde.

LE DUC.

Eh ! vous me faites bien vieux ! je ne me sens pas encore cacochyme.

BOURSET.

Oh ! je le sais, mais je veux dire que vous avez servi l’état d’une manière assez brillante dans les guerres du feu roi, pour avoir droit à une vieillesse tranquille. Vous irez loin si vous vous conservez calme et dispos, mais craignez les émotions du grand jeu des spéculations ; elles vous vieilliraient plus que les années.

LE DUC.

Vous raillez ; je suis de force à supporter toutes sortes d’émotions. Vous croyez l’affaire sûre ?

BOURSET.

Bah ! il vaut mieux de petites affaires sans soucis que de grandes avec des craintes. Tenez-vous tranquille.

LE DUC.

Plus vous voulez me décourager, plus j’ai envie de tenter le sort.

BOURSET, à part.

Hem ! je le sais bien. (Haut.) Mais quel besoin avez-vous de cela. ? vous êtes riche ?

LE DUC.

Eh bien ! non, je vous le confie, Bourset, je suis ruiné. J’ai fait quelques folies, j’ai été tantôt dupe de mes mauvaises passions, tantôt de mon bon cœur ; bref, il ne me reste pas plus de deux millions à l’heure qu’il est, et j’ai envie de vous en confier un pour voir si je le doublerai.

BOURSET.

Ah ! pas avant six mois, je vous le déclare.

LE DUC.

Pas avant six mois ! mais si ce n’était même que dans un an, ce serait magnifique.