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REVUE DES DEUX MONDES.

JULIE.

Ah ! de grands mots, je connais cela. Mais il n’en est pas moins vrai, monsieur, que vous faites à mon insu la cour à ma fille. Vous plaira-t-il de me dire où vous l’avez cachée ?

GEORGE.

Je venais exprès pour vous l’apprendre ; mais, si vous me parlez ainsi, je ne vous dirai rien. Il me semblait que votre premier mouvement serait la joie et l’impatience de la revoir ; je ne trouve en vous que froideur pour elle et méfiance envers moi. Je me retire ; je vous trouverai peut-être mieux disposée un autre jour.

JULIE.

J’attendrai donc, pour vous écouter, que vous soyez mieux disposé vous-même. Peut-être sentirez-vous que le rôle que vous jouez en ce moment est indigne d’un homme aussi grave et aussi vertueux que vous avez la réputation de l’être. J’espère qu’à notre prochaine entrevue vous me déclarerez nettement vos intentions à l’égard de ma fiile… afin que je voie le parti que j’ai à prendre… (George la salue.)

JULIE, à part, lui rendant son salut.

Ah ! ceci ne peut se supporter. Il feignait de m’aimer ! Je me vengerai de cet outrage ! J’ai été jouée indignement ! (Elle se retire dans ses appartemens. George, au moment de passer dans le jardin, voit entrer Louise et s’arrête. Louise est en toilette de bal.)

GEORGE.

Est-ce un rêve ? Vous ici, Louise, et ainsi parée, quand je vous ai laissée sous le voile et derrière la grille du couvent ?

LOUISE.

Oh ! vous êtes bien étonné, n’est-ce pas, mon ami ? Je le suis encore plus que vous, peut-être ; moi aussi, je crois rêver. Mais vous venez au bal, à ce que j’ai ouï dire ; nous pourrons peut-être nous parler.

GEORGE.

Au bal ! au bal chez le duc ?

LOUISE.

C’est chez le duc ? Je ne le savais pas. Oh ciel ! je ne veux plus y aller ; on ne m’y traînera pas de force. Ah ! si vous saviez comme on m’a trompée pour m’amener ici ! On m’a dit que ma mère était mourante.

GEORGE, à part.

Ils ont quelque méchant projet. (Haut.) Allez au bal, Louise, je vous y suivrai ; je ne vous perdrai pas de vue, soyez tranquille.

LOUISE.

Vous êtes agité, monsieur Freeman ! que se passe-t-il donc ?

GEORGE.

Je ne sais, mais je crains quelque trahison.