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LES MISSISSIPIENS.

LOUISE.

Oh ! moi, je ne crains rien, vous êtes près de moi.

GEORGE.

Fiez-vous à moi, mon enfant ; mais ne vous fiez pas trop à vous-même. Vous allez au bal ; ne craignez-vous pas que l’enivrement de ce premier triomphe que vous allez remporter ne vous réconcilie avec les projets de votre père ?

LOUISE.

Ô mon ami, vous ne le croyez pas ! Et d’ailleurs… si vous le craignez… voyez, je puis m’échapper encore, retourner au couvent, et n’en plus jamais sortir.

GEORGE.

Non, Louise ; vous savez bien que je vous détourne autant que je le puis de ces idées. Il est temps que vous voyiez le monde, que vous sachiez quels sont ses avantages et ses séductions, et ce que vous devez choisir d’une vie modeste et pure ou d’une ivresse d’ambition et de vanité.

LOUISE.

Oh ! mon choix sera bientôt fait. Tenez, George, ce n’est pas bien ; vous êtes toujours porté à croire que les femmes sont vaines et coquettes ; vous me soupçonnez moi-même, comme si vous ne me connaissiez pas, depuis un an que je vous dis toutes mes pensées. Il faut que vous ayez été bien trompé dans vos amitiés pour être si méfiant, même envers moi.

GEORGE.

Chère, excellente enfant ! (À part, avec tristesse.) Pourquoi suis-je né quinze ans trop tôt !

LOUISE.

Ô ciel, mon père ! George, ayez l’air de ne me pas connaître. (Ils s’éloignent l’un de l’autre précipitamment. Bourset entre et les observe.)

BOURSET, à part.

Julie ne m’a pas trompé, ils s’entendent à merveille. (Haut.) Ma fille, votre mère vous demande ; allez la trouver.

(Louise va pour sortir, un domestique se présente avec un bouquet.)
BOURSET.

Qu’est-ce que cela ?

LE DOMESTIQUE.

Avec la permission de monsieur le comte, c’est un bouquet pour mademoiselle.

BOURSET.

De quelle part ?

LE DOMESTIQUE.

De la part de M. le duc de Montguay.

BOURSET, lui donnant de l’argent.

Tenez, mon ami. (À Louise.) Prenez ce bouquet, ma fille.