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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 6.djvu/1044

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REVUE DES DEUX MONDES.

aux forces de l’étranger dans la concurrence qu’il soutient contre nous, loin d’être un bienfait pour les pauvres gens que l’on veut protéger, tend à infliger le plus grand dommage à la population manufacturière. Toute mesure qui diminuera la demande de nos marchandises doit priver de travail les habitans de ces districts et les réduire à un état de misère affreux. Sans doute il y a quelque chose à faire ; le sentiment public s’est prononcé, le parlement doit intervenir afin de protéger de malheureux enfans et de faire cesser l’oppression cruelle qui pèse sur eux… Que la chambre se borne à cette mesure, sans aller prendre sous sa tutelle ceux qui n’en ont pas besoin, et qui sont libres de choisir leur propre sort. »

Dans la séance du 18 juillet 1843, lord Althorp proposa de déclarer, par amendement au bill de lord Ashley, que la loi se bornât à protéger ceux qui ne pouvaient pas se protéger eux-mêmes, et que les adultes restassent libres de traiter de leur travail. Cette motion fut adoptée à la majorité de 238 voix contre 93. O’Connell avait demandé que la protection du législateur s’étendît à tous ceux qui n’avaient pas atteint l’âge de vingt-un ans, ou qu’elle couvrît du moins les enfans jusqu’à l’âge de dix-huit ans. « Le lord chancelier, avait-il dit, est le tuteur légal de tous les mineurs orphelins ; la chambre des communes doit agir ici comme une sorte de lord chancelier universel. »

L’acte du 29 août 1833 fut le produit de ces débats. Cette loi ayant donné l’impulsion à la réforme manufacturière en Europe, ou ayant servi de modèle aux mesures prises depuis par les autres peuples, il est à propos d’en indiquer ici les principales dispositions.

L’acte de 1833 a des défauts graves, et que je n’entends pas atténuer. Tout en professant le plus profond respect pour la liberté des transactions entre les adultes, il restreint par des voies indirectes l’usage de cette liberté. En limitant à douze heures par jour le travail des jeunes gens et des jeunes personnes de treize à dix-huit ans, il assujétit forcément à la même limite le travail des adultes, car une manufacture ne saurait avoir des heures différentes pour les diverses classes d’ouvriers, et la machine à vapeur s’arrête pour tout le monde en même temps. C’est donc une atteinte portée au principe, et que le résultat peut seul justifier.

Un autre vice de la loi consiste dans la faculté accordée aux manufacturiers d’allonger la journée, toutes les fois que le manque ou l’excès d’eau dans les manufactures mues par la force hydraulique, et qu’un accident survenu à la machine dans les manufactures mues par la vapeur, auraient amené une interruption ou un chômage. Cette au-