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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 6.djvu/1045

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LA VILLE DE LEEDS.

torisation sert en effet de prétexte à toutes les fraudes, et devient le moyen le plus commode de déjouer les intentions du législateur. Quand un manufacturier veut faire travailler ses ouvriers treize ou quatorze heures, il a toujours quelque accident à alléguer, et il demande à réparer le temps qu’il n’a pas perdu.

Enfin la loi ne s’applique qu’aux fabriques de coton, de laine, de lin et de soie. Toute autre industrie, et même dans ces industries les ateliers domestiques, sont affranchis de ses prescriptions. Il en résulte une prime pour le travail non réglementé sur le travail soumis à la règle légale ; on déplace l’abus et la souffrance, au lieu de les guérir. On fait une faveur ou une injustice à certaines industries, en les rendant l’objet de l’attention exclusive du législateur.

Les dispositions de la loi qui concernent plus particulièrement les enfans ne sont guère mieux combinées. On interdit l’emploi des enfans dans les manufactures au-dessous de l’âge de neuf ans. De neuf à treize ans, le travail est réduit à huit heures par jour. Nul ne peut être occupé avant dix-huit ans dans une fabrique, s’il n’est porteur d’un certificat, délivré par un médecin et visé par un magistrat, qui constate son âge et sa bonne constitution.

La limite de huit heures fixée au travail des enfans me semble une conception très malheureuse, et qui ne répond à rien. Dès que ce travail n’a pas la même durée que celui des adultes, il faut nécessairement que les enfans se relaient et que chaque ouvrier ait deux auxiliaires qui se partagent la journée, l’un le matin et l’autre le soir. La combinaison des relais, attaquée dans le principe par quelques économistes, est la seule praticable ; mais, dans ce système, la journée moyenne étant de douze à treize heures effectives, les enfans ne peuvent guère travailler que six heures à six heures et demie par jour.

En diminuant la tâche quotidienne des enfans dans les fabriques, le parlement se proposait non-seulement de ménager leurs forces physiques, mais encore de réserver le temps nécessaire à leur éducation. Par une singulière imprévoyance, en déclarant que les jeunes ouvriers des manufactures seraient tenus de fréquenter les écoles, on négligea d’établir partout des écoles à leur portée. La loi prescrivait l’impossible ; on comprend qu’elle n’ait pas été obéie.

Ce qu’il y a de vraiment utile dans l’acte de 1833, c’est la machine administrative organisée pour veiller à l’exécution de cette mesure. Le gouvernement désigne quatre inspecteurs investis du droit de visiter à toute heure du jour et de la nuit les jeunes ouvriers pendant leurs travaux, de faire des règlemens, de prescrire la tenue des re-