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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 6.djvu/357

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LE SALON.

si le jury sait ce qu’il fait, nous devons estimer bien bas les ouvrages qui n’ont pas été jugés dignes de concourir avec cette énorme et disgracieuse pochade.

Voici une œuvre de meilleur aloi : la statue couchée de l’évêque d’Hermopolis, par M. Gayrard, destinée à surmonter un tombeau. Ce genre, simple et grave, de monumens funéraires, fut long-temps presque universellement adopté dans le monde chrétien jusqu’au milieu du XVIe siècle. Ce fut Michel-Ange qui introduisit l’usage d’un système de composition plus compliqué et plus architectural, dont il donna l’exemple dans ses tombeaux des Médicis. Cette figure est une imitation intelligente et habile de la nature. La tête est d’un sentiment juste et calme, elle exprime plutôt le sommeil que la mort ; mais, dans l’idée chrétienne, ces deux états se ressemblent beaucoup. L’exécution générale est extrêmement soignée, et même trop recherchée peut-être. Il y a, dans l’arrangement des mains croisées sur la poitrine et l’entrelacement des doigts, de petites intentions de coquetterie qui ne vont guère à un évêque, surtout lorsqu’il est mort. Suivant l’ancien usage, l’artiste a mis au pied du mort un petit chien, dont la signification symbolique serait trop longue à expliquer. Nous insistons avec d’autant plus de satisfaction sur le mérite de cette statue de M. Cayrard, que nous serions obligé, si nous examinions son grand bas-relief d’Henri IV combattant à Arques, de substituer la critique à l’éloge.

La plupart des morceaux qu’il nous reste à voir sont des portraits historiques en pied de divers personnages illustres, destinés à des monumens publics de Paris ou des départemens. En aucun temps, si ce n’est toutefois chez les Grecs, on n’a élevé autant de statues que dans celui-ci. On peut partir aujourd’hui de ce monde avec la presque certitude d’être embaumé d’abord, et puis placé dans quelque niche. On n’est jamais mort dans des conditions plus agréables. Il est fâcheux seulement que les artistes chargés de transformer de simples mortels en demi-dieux ou en saints (car c’est là la forme moderne de l’apothéose) mettent tant de négligence dans leur besogne et en abandonnent les trois quarts aux mains des scarpellini. C’est ce qu’il est permis du moins de supposer à l’égard de plusieurs des morceaux de ce genre, au nombre de huit ou neuf.

Voici d’abord un Mathieu Molé, de M. Droz, statue en pierre qui doit occuper une des niches de l’Hôtel-de-Ville, et dont on peut dire seulement qu’elle est convenable ; puis le Portalis, de M. Ramus, dont la tête a de la vie et de la vérité, mais dont le manteau sénatorial