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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/75

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ÉTAT POLITIQUE ET MORAL DU BRÉSIL.

éloigne, et les femmes ne sont plus libres de vous accueillir comme elles le désireraient. Ce n’est que dans quelques bals que vous pouvez observer les Brésiliennes : elles arrivent couvertes des plus riches parures mais les belles étoffes ne suppléent pas au défaut de grace, et ce luxe de mauvais goût ne fait que vous surprendre désagréablement. À part ces occasions solennelles, les femmes ne sortent guère que pour se rendre à l’église ; aussi n’ont-elles ni la légèreté ni la souplesse des Espagnoles, et paraissent-elles mal à l’aise dans leurs vêtemens d’apparat. De l’embonpoint, une petite taille, de beau yeux noirs, une peau plutôt cuivrée que brune, d’épais cheveux d’ébène, tels sont à peu près les traits distinctifs des Brésiliennes. Il y a peut-être à Rio quatre ou cinq femmes qu’on pourrait citer pour leur beauté ; toutes les autres n’ont ni attrait ni séduction. L’effronterie de leur regard, le cynisme de leur conversation, inspirent presque toujours une répulsion invincible. Dans les pays espagnols, les femmes sont l’ame de la société, tout subit leur influence. Au Brésil, les femmes languissent dans un tel état d’infériorité, qu’on se voit forcé de les laisser dans leur isolement. L’ignorance et l’amour-propre des habitans de Rio ne rendent pas malheureusement la société des hommes plus agréable que celle des femmes. On est réduit aux promenades solitaires, qui, grace à l’admirable situation de la ville, offrent des distractions puissantes, et si l’on veut goûter les plaisirs du monde, c’est aux envoyés des puissances qu’il faut les demander. Vous retrouvez parfois dans leurs salons l’aimable abandon, le charme et l’élégance des salons d’Europe. Rapprochés en quelque sorte par un commun exil, les étrangers entretiennent avec vous des rapports aussi agréables que bienveillans, et, pour moi, je n’ai jamais eu qu’à me louer de ces cordiales relations.

Pour surmonter la tristesse qui s’empare de l’étranger dès les premiers jours de son arrivée, il faut l’admirable climat du Brésil et la beauté des paysages qui s’offrent de toutes parts autour de Rio. La ville même a peu de monumens ; le palais de l’empereur, encore inachevé, est un grand édifice carré sans architecture ; les églises, les différens bâtimens affectés au service public, sont construits solidement, mais sans grace. La seule construction remarquable est l’aqueduc qui conduit les eaux du Coreoval dans l’intérieur de Rio-Janeiro. Cet aqueduc, construit par les Portugais avec les revenus des mines, fut achevé en 1740. La principale rue de la ville est la rue d’Ouvidor, que l’on compare à notre rue Vivienne. En effet, il y a quelques beaux magasins dont l’élégance et le bon goût contrastent avec les boutiques sales des autres parties de la ville.