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De grandes distances séparent Rio de ses faubourgs ; des rues inégales, mal pavées et mal entretenues, rendent les communications entre ces divers points assez difficiles. Je regardais comme une véritable souffrance d’aller dans un mauvais cabriolet jusqu’à San-Cristoval, résidence de l’empereur. Les ministres étrangers et tous les Brésiliens riches habitent de jolies maisons dans les faubourgs de Cacété et de Botafogo. On y est éloigné du centre des affaires ; mais l’air est si pur, le séjour dans ces villas offre tant de charme, qu’on passe aisément sur ces inconvéniens. L’intérieur de la ville a d’ailleurs cela de triste, qu’on y entend à toute heure le chant plaintif et monotone des nègres employés à transporter les balles de café.

Si l’on ne peut guère goûter le plaisir de la promenade dans l’intérieur de la ville, on est dédommagé par le charme qu’offrent les excursions dans la campagne. Quelques courses autour de la baie, dans les villages qui entourent Rio-Janeiro, suffisent pour donner une idée de la richesse et de la beauté du pays. Partout on découvre des situations charmantes, des points de vue admirables ; partout la nature tropicale vous séduit par sa grace ou vous surprend par sa grandeur. Je me rappellerai toujours avec plaisir les délicieuses soirées que j’ai passées au Jardin botanique, me promenant au milieu des massifs de bambous, entouré d’arbres dont le feuillage m’était inconnu ; j’admirais cette végétation puissante et habilement dirigée. Des plantations de café et d’arbre à thé me prouvaient que ce jardin avait aussi un but utile. La situation de cet établissement est ravissante : situé au milieu d’un vallon, il est dominé de tous côtés par les cimes de montagnes élevées dont les flancs sont couverts de forêts vierges. On reste sous le charme devant cette nature du Nouveau-Monde, où tout porte un cachet de grandeur que l’Europe pourrait envier, si elle n’avait en échange tant d’autres avantages plus précieux, quoique peut-être moins appréciés.

J’avais hâte cependant de connaître le Brésil autrement que par les environs de Rio-Janeiro. Je dois rendre hommage à l’empressement que les Brésiliens mettent à faciliter aux Européens un voyage dans l’intérieur de leurs provinces. Parmi les obstacles de toute nature que présente une pareille excursion, il serait injuste de compter la mauvaise volonté des habitans. On me remit des lettres d’introduction pour les propriétaires dont les habitations se trouveraient sur ma route. L’empereur m’accorda, sur la demande de notre chargé d’affaires, un passeport impérial qui m’assurait la protection et l’appui de toutes les autorités du pays. Les Brésiliens auxquels je m’étais adressé pendant