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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 22.djvu/210

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l’on appelle le civil service de la compagnie. Quand on saura comment se forment les fonctionnaires publics dans l’Inde, on sera bien près de savoir aussi quelle est la condition de leurs administrés.

Les fonctionnaires qu’on envoie dans l’Inde ont été préparés par une éducation spéciale reçue au collége Haileybury, situé à quelques milles de Londres. Pour qu’un jeune Anglais soit appelé à partager les bienfaits de cette initiation, il faut d’abord qu’il y ait une vacance parmi les élus, puis que le candidat soit âgé de dix-sept ans, et enfin qu’il ait dans la cour des directeurs quelque parent ou ami qui dispose en sa faveur du droit que chacun des membres de la cour a d’ouvrir deux fois par an les portes du collége pour y faire entrer ses protégés. Il y a bien un examen à subir avant d’être admis, mais tout le monde reconnaît que c’est une formalité puérile et dont les candidats n’ont jamais lieu de se plaindre. Après deux années passées à Haileybury, durant lesquelles il a suivi un cours de droit et d’économie politique, et s’est surtout appliqué à l’étude des langues orientales et de l’histoire de l’Inde, le jeune civilien (tel est son nom désormais) subit un nouvel examen, sérieux cette fois, et il est définitivement admis dans le service de la compagnie, ou bien il est renvoyé à six mois de là pour être examiné de nouveau, selon qu’il a acquis ou non les connaissances jugées nécessaires.

Si l’on ne peut nier que l’organisation de ce collége ne laisse beaucoup à désirer, on doit cependant reconnaître que cette institution a rendu de grands services, et que la fondation de Haileybury, qui date du commencement de ce siècle, marque un véritable progrès dans la politique gouvernementale de la compagnie. Autrefois les conditions à remplir pour être admis dans le service étaient les mêmes qu’aujourd’hui, à l’exception de ces études préparatoires dont on ne soupçonnait pas même le besoin. Aussi le terme de nabab était-il synonyme d’ignorance absolue aussi bien que d’immense richesse. Il est regrettable, néanmoins, que la cour des directeurs n’apporte pas plus de discernement dans l’exercice de son patronage. Si quelques-unes des admissions à Haileybury étaient ouvertes à la compétition, et devenaient le prix des plus brillantes études achevées dans les collèges publics, l’Inde y gagnerait quelques hommes émimens, et la compagnie n’y perdrait certes rien en popularité. Un des directeurs a donné ce noble exemple il y a trois ans, en disposant de son vote en faveur du meilleur élève sorti des bancs du collège d’Eton. Il a été fort admiré, mais il n’a pas trouvé d’imitateurs. Dans les cas d’urgence, il est permis de nommer un certain nombre de civiliens sans les faire passer par Haileybury, et alors on donne la préférence aux jeunes gens qui se recommandent par des études universitaires. Quelques-uns des fonctionnaires les plus distingués de l’administration actuelle appartiennent à cette catégorie, et ce