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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 22.djvu/71

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compagnons ordinaires de mes études dans tous les temples, ou le roucoulement amoureux des pigeons que je voyais hier à Hermonthis voltiger autour des architraves d’un temple bâti par Cléopâtre : double souvenir de Vénus. Voilà quelques images saisies en passant et esquissées sur des feuilles d’album que je déchire et que je vous envoie ; pardon d’avoir été si mauvais peintre et d’avoir fait un portrait si indigne de vos protégés. Il me faudrait maintenant leurs ailes pour me porter près de vous. »


Hermonthis.

Hermonthis, dont je parle dans la lettre qu’on vient de lire, est la première station au-dessus de Thèbes ; par terre, c’est une distance de deux lieues environ. On passe auprès du temple qui porte dans l’ouvrage de la commission d’Égypte le nom de temple situé à d’extrémité de l’hippodrome. Cet édifice présente une configuration singulière. Un corridor, dans lequel donnent des chapelles latérales, fait le tour du sanctuaire. L’architecture est du temps des empereurs. C’est là que Champollion a trouvé les hiéroglyphes dont se compose le nom d’Othon, qui régna si peu de temps. Ce nom n’a été trouvé, je crois, nulle part ailleurs. Dans un coin du même temple, M. Lepsius a lu d’autres noms d’empereurs, Galba, Vitellius et Decius : ce dernier est le plus récent de tous ceux dont la présence a été constatée sur un monument égyptien.

Laissant le petit temple à droite, nous avons trouvé bientôt ce grand espace entouré de talus assez semblables à ceux du Champ-de-Mars et que la commission d’Égypte appelle l’hippodrome. Champollion pensait que là fut un camp permanent habité par les troupes formant la garnison de Thèbes et la garde des Pharaons. Selon M. Wilkinson, c’était le lac sacré que traversaient les morts pour arriver au lieu de leur sépulture, ainsi qu’on le voit dans les représentations funèbres, lac qui semble avoir été le type de l’Achéron des Grecs, et dont l’idée a dû naître naturellement chez un peuple qui, pendant une partie de l’année, vivait pour ainsi dire sur les eaux.

Nous avons fait un assez long circuit afin d’éviter les restes de l’inondation, qui a laissé çà et là des flaques d’eau dans une plaine verte remplie de grandes herbes, et assez semblable aux marais Pontins. A une halte près d’un village, un vieillard s’est approché, m’a pris affectueusement la main en me disant : Taïbin ! ce qui équivaut à bonjour. Arrivés aux sables, une femme nous a apporté à boire en se voilant.

Une longue chaussée nous a conduits à Hermonthis. Le principal monument d’Hermonthis est un temple consacré au dieu Mandou et à la déesse Ritho par Cléopâtre. Mandou était le dieu local d’Hermonthis, comme Ammon de Thèbes. Dans le petit temple devant lequel nous avons passé en partant, et qui était intermédiaire entre les deux districts,