Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 22.djvu/842

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en effet, aucun de ces grands spectacles, aucune de ces leçons fécondes que l’art doit donner à la pensée. Si l’on excepte deux ou trois hommes supérieurs, les peintres de Munich peuvent être de fort habiles érudits, ce ne sont nullement des artistes. Occupés à reproduire les types des anciennes écoles, oubliant que ces écoles ont été jadis l’expression spontanée d’un temps qui n’est plus, ils se passent volontairement des ressources les plus essentielles de l’art, ils renoncent au sentiment de la vie, Comment cette activité stérile et cette agitation dans le néant ne produiraient-elles pas sur les ames sincères l’impression la plus pénible ? Il y a à Munich des artistes éminens. Cornélius, qui y a laissé tant de vigoureux travaux, et Owerbeck, qui y règne par la pensée, sont deux réputations européennes ; M. Schnorr est une imagination forte, servie par un talent exercé, et l’on ne peut oublier, quand on les a vues, ces hardies peintures des Niebelungen qui décorent les appartemens de la reine ; M. Schwanthaler est un dessinateur plein de fierté et un statuaire de premier ordre ; on vante avec raison chez M. de Klenze un des plus habiles architectes de ce temps-ci. Quelques noms encore peuvent être cités avec honneur ; mais que dire de ces ateliers où des praticiens sans nombre se condamnent à un éternel plagiat ? Que dire de ces prétendus artistes qui font mille efforts ingénieux pour éteindre en eux-mêmes la moindre étincelle de la vie, et s’enferment obstinément dans une atmosphère de mort ? Quel jugement porter sur des hommes, les plus indépendans qui soient au monde, sur des hommes à qui appartient le libre domaine de l’invention, et qui se soumettent, comme ceux-là, à une servitude qui les anéantit ? Non, je ne puis croire que le roi Louis ne soit pas responsable de cette direction désastreuse, de ce dilettantisme monacal. Il y a trop de rapports entre la conduite du souverain et cette déviation systématique de l’art. Les peintres de Munich s’imaginent obéir à un système ; ils obéissent, sans le savoir, à un mot d’ordre. Le système qu’ils invoquent est parfaitement trouvé ; il est ingénieux, il est subtil, il a donc mille attraits pour ces intelligences allemandes à qui l’inspiration, quand elle est franche, ne paraît jamais assez profonde ; seulement, dans les fausses profondeurs, dans les voiles confus de ces théories menteuses, ils ne voient pas l’esprit caché, ils ne voient pas l’influence mauvaise qui plie à son gré l’imagination des artistes et conduit leur main sur la toile. Je ne parle pas ici de cette influence trop manifeste qui dicte aux peintres certaines proscriptions injurieuses pour la France, je ne fais pas allusion à M. Schmidt (un exemple entre vingt) qui, chargé de peindre le Parnasse dans une des salles du palais royal de Munich, n’a pas jugé qu’un seul poète français fut digne de s’asseoir à côté des écrivains secondaires de l’Italie, de l’Angleterre et de l’Allemagne. Ce sont là des rancunes vraiment trop vulgaires, et la complaisance avec laquelle