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— D’un autre côté, il s’était formé dans le sénat une opposition presque exclusivement militaire, où figuraient le général Ros de Olano, le général Cordova, ancien commandant de l’armée expéditionnaire à Rome et aujourd’hui sans fonctions actives, le général Manuel Pavia, commandant de la Catalogne en 1848, et qui, de l’avis du cabinet tout entier, avait dû, à cette époque, être remplacé par le général Concha dans l’intérêt des opérations contre Cabrera. À ces derniers s’était joint le général Roncali, capitaine-général de Cuba il y a peu de temps encore, et remplacé dans ses fonctions. Le général Serrano était aussi avec les mécontens. Cette opposition, d’un caractère politique peu apparent, principalement dirigée contre le président du conseil, avait peu d’importance en elle-même sans doute, quoiqu’elle fût fort obstinée : elle réunissait au plus vingt voix dans le sénat ; mais on ne pouvait se dissimuler qu’elle pouvait redoubler et grandir en se sentant un point d’appui dans les hautes régions du pouvoir, en coïncidant avec les dispositions peu favorables de la reine-mère. C’est dans ces circonstances que le duc de Valence a pris immédiatement sa résolution. Il y a évidemment des exemples de susceptibilités moindres en politique. Avec sa rapidité ordinaire, le général Narvaez, on peut le dire, donnait sa démission d’une main et de l’autre envoyait chercher des chevaux de poste pour quitter Madrid et ôter à la crise qui allait s’ouvrir l’embarras de sa présence. Sa démission à peine acceptée, il était reçu par la reine, et, quelques heures après, il se dirigeait vers la France. Le dernier conseil que le général Narvaez paraît avoir donné à sa souveraine, c’était de prendre M. Mon pour chef du nouveau ministère. Ce n’est point, on le sait, la combinaison qui a réussi.

Maintenant quelles seront les conséquences de la crise qui vient d’éclater et de se dénouer d’une manière si imprévue à Madrid ? Il serait difficile de le dire. Ce n’est point que le cabinet nouveau, par sa composition, puisse inspirer aucun doute ; il est tout entier conservateur. Le président du conseil en particulier, M. Bravo Murillo, est depuis long-temps un des hommes éminens du parti modéré, d’une intelligence remarquable, d’une probité politique hautement reconnue. C’est un esprit sévère, exact, tenace même. Par la passion avec laquelle il s’est voué aux questions financières, peut-être en outre répond-il aujourd’hui à une préoccupation devenue universelle en Espagne, la préoccupation des économies, du règlement de la dette nationale intérêts graves et supérieurs sans doute ! mais qui ne sent que ces intérêts sont subordonnés à la question première de la politique générale ? C’est ici qu’il vaut la peine d’envisager de près une situation qui peut devenir pour la Péninsule le point de départ de destinées très différentes, selon la direction qu’elle prendra.

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