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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/501

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surtout, au milieu des nécessités intérieures et des conditions générales de l’Europe, ont été en réalité le parti conservateur et le général Narvaez. Dans l’union de ces deux forces a résidé la meilleure garantie de la sécurité du pays ; tout ce qui tend encore à les disjoindre est, sinon une menace d’un effet immédiat, du moins un élément d’incertitude. Le général Narvaez a, dit-on, des saillies impétueuses de caractère, des mouvemens impérieux qui rendent son pouvoir difficile : — soit, bien qu’au fond les mieux informés sachent jusqu’où peuvent aller ses susceptibilités et ses emportemens ! Je ne suis point éloigné de croire, pour ma part, que, quand il s’est retiré, le moment était venu pour lui de fortifier son gouvernement par des accessions utiles, d’étendre avec une décision nouvelle l’action de sa politique aux réformes morales autant qu’aux réformes matérielles. Bien des choses restent encore à faire en Espagne sous ce double rapport ; mais, à côté de ceci, le mérite réel et supérieur du général Narvaez, c’est l’immense autorité qu’il exerçait sur le parti conservateur, c’est l’ascendant par lequel il empêchait d’éclater les divisions, les dissidences secondaires. Le parti modéré, comme je le disais, a l’immense majorité dans la nation ; il a de profondes racines dans les instincts, dans les intérêts, dans les besoins du pays. Ce qui lui a manqué souvent, c’est l’unité, — non l’unité des doctrines, mais, qu’on me permette cette expression, l’unité des hommes, en d’autres termes, la discipline. C’est ce qui a fait son impuissance dans des instans décisifs ; c’est de là que lui sont venus ses échecs. Il n’a tenu avec ensemble au feu que lorsqu’il a eu à sa tête un chef énergique. Que ce chef soit un soldat, qu’y a-t-il de surprenant quand la politique est une guerre, même dans les courtes trêves qui nous sont données de notre temps ? Il ne suffirait point de dire publiquement ou dans le secret des entretiens privés : Le général Narvaez a été l’homme nécessaire en 1848, tout a dû s’effacer devant lui ; aujourd’hui le calme est revenu, les perspectives sont moins sombres, le mouvement ordinaire des partis doit renaître. Ceci ne signifierait qu’une chose, c’est qu’il est temps de profiter de la paix pour recommencer le travail de morcellement et de division qui a si bien réussi d’autres fois au-delà des Pyrénées même, qui réussit si bien ailleurs, nous en avons trop de preuves. En 1846, le ministère qui succédait au général Narvaez n’avait rien assurément que de pleinement rassurant ; un an après, le parti progressiste était aux portes du pouvoir. Ceci est ce qui tient aux conditions intérieures de l’Espagne. Je ne parle point des circonstances extérieures, je ne parle point des crises qui peuvent se reproduire en Europe ; qu’une de ces crises éclate, qui oserait affirmer que le duc de Valence n’est point l’homme le plus propre à tenir tête à la contagion révolutionnaire ? C’est ce qui me fait dire que retiré du pouvoir comme au pouvoir, en dehors des combinaisons