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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/65

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dans ses habitudes, et y trouve, à défaut d’un intérêt très vif, une sorte de jouissance monotone qui lui suffit. Aux États-Unis, on se satisfait plus aisément encore : il n’y a donc là rien qui présage le progrès. Quoique les graveurs italiens se montrent fort habiles, à Florence ou à Rome le goût de la gravure est devenu un goût exceptionnel et le nombre des œuvres y est excessivement restreint ; à peine y produit-on, en dehors des planches d’après les anciens maîtres, quelques portrait, et quelques vignettes. La France seule compte dans tous les genres des talens remarquables ; malheureusement il en est ici de la gravure en taille-douce à peu près comme de la peinture d’histoire : ni l’une ni l’autre ne sont arrivées à la décadence, toutes deux tombent en défaveur. Il ne dépend de qui que ce soit d’arrêter à son gré ce mouvement encore plus instinctif que raisonné. Les artistes s’en plaignent, rien de plus légitime : pourvu qu’ils ne se méprennent pas sur les causes, et qu’avant tout ils comptent sur eux-mêmes pour essayer de vaincre l’indifférence du public. Une confiance exagérée dans la puissance de l’intervention administrative finirait par compromettre leur indépendance, et il n’y aurait pas de dignité de leur part à réclamer la tutelle de l’état, lorsqu’ils ne doivent accepter que ses encouragemens. Sans doute il serait possible d’introduire plus d’une amélioration dans le mode de protection accordée aux travaux du burin ; mais ces améliorations, quelle qu’en fût l’efficacité, ne porteraient que sur des mesures de détail : elles ne suffiraient pas pour réformer des habitudes inhérentes aux mœurs et à l’esprit de notre temps. Faut-il d’ailleurs s’en étonner beaucoup ? On se détache des œuvres de la gravure comme on se détache involontairement de ces choses d’autrefois qu’on oublie même d’admirer, tant leur beauté nous devient étrangère, tant elles semblent dépaysées de nos jours.


HENRI DELABORDE.