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d’envasement dont on peut constater les résultats aux portes mêmes de La Rochelle.

En effet, des documens que nous a transmis le moyen âge il résulte que le bourg primitif était entouré d’eau à peu près de toute part[1]. L’ancien port était situé (d’opposite du port actuel, près de la vieille porte Neuve, et un vaste marais étendu à l’orient achevait de transformer en île le centre de la ville moderne. Depuis longtemps le vieux port est comblé, et le marais asséché a été compris dans la ville : mais là ne s’est pas arrêté l’envahissement. On trouve dans l’ouvrage du père Arcère deux plans, l’un de 1573, l’autre de 1756. Dans le premier on voit la mer s’étendre en ligne droite au pied des remparts, à droite et à gauche des deux tours placées à l’entrée du port. Elle se replie ensuite tout autour de la place en formant un dédale de véritables lagunes à l’est jusqu’au petit coteau de Lafont, à l’ouest jusque bien au-delà de l’ouvrage à couronne. Dans le second plan, les marais situés à l’orient ont presque entièrement disparu, et l’on voit des champs et un cimetière à la place qu’ils occupaient. Enfin, à en juger d’après la carte de M. Beautemps-Beaupré, dès 1831 la mer a cessé d’atteindre les fortifications, et les fossés ne se remplissent plus qu’à l’aide de canaux ménagés dans ce but. Mais si le fond de la rade s’est comblé, en revanche la mer en a reculé et élargi l’entrée. Chaque tempête emporte quelque chose à la pointe des Minimes, à celle de Chel-de-Baie, et le père Arcère, en se fondant sur des observations précises faites dans un espace de douze années, estime que cette perte est d’environ quatre pieds par an un peu au-delà de la digue, c’est-à-dire sur des points où la falaise n’est frappée que par les vagues déjà bien affaiblies.

Mes premières recherches ne confirmèrent que trop les tristes pressentimens inspirés par l’inspection des côtes. Il me fallait arriver au plus bas de l’eau pour rencontrer des animaux qui se montrent ailleurs dans les zones les plus élevées, et encore j’eus beau jouer de la pioche et du pic, je ne trouvai guère que quelques espèces communes, et que je connaissais pour les avoir vues de Boulogne à Saint-Jean-de-Luz. Après quelques essais aussi peu fructueux, voyant toujours mes vases presque vides, je renonçai à mes procédés ordinaires d’exploration et cherchai fortune par d’autres moyens. C’est alors que je m’applaudis de n’avoir écouté ni les petites vanités du monde, ni le trop grand amour du bien-être, d’être resté fidèle à mes habitudes de prolétaire de la science, de n’avoir pas élu domicile dans les beaux quartiers. J’étais logé sur le port, dans un bouchon où mangeaient et couchaient à la nuit les manœuvres du chantier voisin. Mon

  1. Arcère.