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l’unique garantie de la vérité dans ce monde. S’il en est ainsi, une telle dissidence entre cette époque et la nôtre, toutes deux catholiques, ne constituerait-elle pas des variations aussi considérables que celles qu’on reproche si bruyamment aux églises protestantes? S’il en est ainsi, que faut-il penser de la sagesse du passé, de ces retours qu’on nous prêche vers les maximes et les institutions de nos pères, et quel est donc le régime religieux et civil auquel on voudrait revenir? Nous soumettons ces deux questions aux partisans avoués des idées d’unité et des idées conservatrices.

On ne contestera point apparemment la rigueur des condamnations lancées contre ce que j’ai appelé la tendance janséniste du XVIIe siècle. Elles se lisent partout. Je ne citerai plus M. de Maistre parlant du jansénisme comme de «l’hérésie la plus subtile que le diable ait tissue. » Adressons-nous à des autorités plus fortes, parce qu’elles sont plus raisonnables. M. Gratry a l’esprit élevé, étendu, bienveillant, et voici comme il parle : « Il faut extirper entièrement les dernières fibres du jansénisme; il en faut signaler jusqu’aux moindres nuances dans notre XVIIe siècle, dans nos plus grands auteurs, et les oratoriens doivent savoir les trouver et les effacer au besoin, même dans leur plus classique écrivain. » Bon exemple, qui nous vaudrait une édition des classiques du XVIIe siècle expurgée à l’usage du XIXe ! Nous avons, dans une précédente étude, rendu hommage à un écrivain judicieux et sincère, au père Chastel; son ouvrage semble dicté par la modération même, et dans cet ouvrage si modéré on lit : « Arius et Pelage, Béranger et Wicleff, Luther et les jansénistes, furent-ils coupables dès le début comme ils le furent plus tard? Nous l’ignorons. » Ainsi l’auteur du livre de la Perpétuité de la Foi touchant l’eucharistie est, pour l’hérésie, mis sur la même ligne que Luther. Il existe une vie du cardinal d’Astros par le père Caussette, supérieur des pères du Sacré-Cœur. C’est un ouvrage intéressant, écrit avec mesure, et cependant, après une comparaison de Port-Royal avec les disciples de la première école de M. de Lamennais, l’auteur n’hésite pas à donner en ces termes la préférence à ceux-ci. « Les solitaires de Port-Royal, dit-il, ont tous laissé une mémoire équivoque qui fait trembler pour leur éternité; il n’en sera pas de même des solitaires de La Chenaye. » Enfin mon habile confrère, M. de Falloux, dans le manifeste conciliant et courageux qu’il a publié contre les opinions extrêmes, s’est cru lui-même obligé de dire à ses adversaires : « Vous détestez le jansénisme, et vous avez bien raison. » Or, si l’on a raison de détester le jansénisme, c’est apparemment qu’il est détestable.

Nous n’avons pas mission pour le défendre, et M. Royer-Collard n’est plus; mais a-t-on bien pensé à la portée de ce langage? Croit--