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Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/718

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d’animosité extraordinaire. L’émotion s’est bientôt communiquée aux spectateurs de ces orageuses séances, et le président de la chambre des représentans a été obligé de faire évacuer les tribunes. Alors le trouble s’est encore aggravé, et a dégénéré en scènes de désordre aux portes de la chambre et dans la ville même. Des représentans de la majorité ont été insultés à leur sortie ou dans leur maison. Le nonce du pape, au moment où il quittait le palais de la chambre, a été l’objet de manifestations injurieuses. Cette agitation s’est propagée, et elle est loin d’être apaisée encore. La discussion a continué néanmoins. Seulement un incident des débats a provoqué le renvoi d’un article de la loi à la section centrale, et on en est à se demander si cette circonstance ne sera pas favorable à quelque transaction entre les partis. Quoi qu’il en soit, ces violences factieuses ne sont pas moins une regrettable atteinte portée à la dignité des délibérations publiques et du régime parlementaire.

La Hollande elle-même a par momens ses discussions, qui, sans toucher, il est vrai, à d’aussi vives, à d’aussi délicates questions d’organisation sociale, ont encore néanmoins un certain intérêt. Il y a eu depuis quelques mois à La Haye, si l’on s’en souvient, une série de luttes animées entre le ministère et les partis. Le temps et les circonstances raviveront inévitablement ces luttes politiques directes, en leur offrant quelque aliment nouveau. En attendant, le combat s’engage sur des questions pour ainsi dire épisodiques, et de ce nombre est celle du règlement de la presse aux Indes, qui a été agitée déjà dans les chambres, non sans causer quelque ennui et quelque embarras au cabinet. Un article du statut colonial a soumis la liberté d’introduction des publications aux Indes à des réserves suffisamment motivées en principe par la nécessité de sauvegarder l’ordre public d’une façon particulière dans des conditions d’existence si différentes. Le règlement promulgué par ordonnance il y a quelques mois, ce règlement, de l’avis de bien des hommes politiques et de bien des jurisconsultes, poussait fort loin le luxe de la restriction : il réunissait la prévention et la répression tout à, la fois dans un système doublement rigoureux, ce qui dépassait visiblement cette mesure de modération et de prudence que les esprits aiment avant tout en Hollande. De là des adresses, des pétitions, et par suite des débats parlementaires assez vifs, qui finissaient une première fois par amener la chambre à nommer une commission pour examiner de plus près l’affaire. Le ministère ne put esquiver cette sorte d’enquête.

La question est revenue récemment dans la seconde chambre, et elle a été l’objet d’une discussion nouvelle où ont figuré les principaux orateurs des divers partis, les uns soutenant le règlement, comme M. Baud, M. Groen van Prinsterer, et le ministre intéressé lui-même, les autres, comme MM. van Hœvell et Thorbecke, plaidant la cause de la liberté, singulièrement compromise à leurs yeux. Ceux-ci représentaient le règlement comme un obstacle au développement moral et matériel des colonies, et ils y voyaient même une violation du texte du statut colonial. Les adversaires de l’ordonnance ministérielle insistaient sur le principe de la liberté inscrit dans le statut ; le ministre des colonies, M. Myer, s’appuyait sur la réserve également stipulée dans le même article, et il en tirait la justification complète de son règle-