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nous depuis Richard Simon, l’exposé de M. Greg est une lecture facile et instructive ; on peut se fier à son exactitude, si l’on ne se rend pas toujours à ses raisons. Nous ne pouvons dissimuler que la conclusion qui ressort de cet examen, si nous acceptions l’examen dans tous ses détails, nous rejetterait plus loin du christianisme que les intentions de l’auteur ne nous y avaient préparés. Il ne se pose pas en métaphysicien, encore bien moins en continuateur de Celse et de Julien. Il faut même convenir que rechercher, comme il l’entreprend, quelle est la réelle doctrine de Jésus-Christ, ce n’est pas l’abandonner, car c’est admettre en principe qu’il y a dans le christianisme une vérité importante à connaître, c’est conserver ce point de commun avec tous les fidèles, la croyance que la vérité est chrétienne. Tout n’est pas négation, tout n’est pas abstraction dans ce rationalisme apparent, et à quelques hardiesses qu’un critique anglais puisse être conduit par la discussion des textes et des faits, il admettra toujours un fond historique et traditionnel où la vérité gît comme enveloppée, et il ramènera tout à un éclectisme chrétien. C’est dans le livre même de M. Greg qu’il faut chercher les articles de foi, peu nombreux, nous devons le dire, qui composent le symbole sorti du creuset de son analyse. Pour en donner l’idée, disons que ce symbole nous paraît un peu plus loin de l’orthodoxie que la profession de foi du vicaire savoyard.

Il convient lui-même que son livre, étant un traité de religion essentiellement négatif et critique, ne peut être autre chose qu’incomplet, partiel et préparatoire. Dans ces conditions, nous n’aurions rien à dire, s’il ne nous paraissait que, les conclusions du livre acceptées, le retour à une religion positive devient plus difficile que l’auteur ne semble l’avoir voulu. Ici nous nous adressons surtout au publiciste ; nous croyons que M. Greg ne conçoit pas la société sans une religion positive, et qu’il n’a ni le dessein ni l’envie de faire de toute l’Angleterre une école de philosophie. S’il en est ainsi, n’a-t-il point dépassé le but ? A-t-il laissé subsister des raisons suffisantes pour que l’on doive encore s’attacher à l’enseignement réel du Christ ? Si l’on est décidé à priori à n’en conserver comme certain que ce que la raison pourrait par elle-même en connaître ou en démontrer, pourquoi faire un si grand détour, et chercher dans le christianisme ce qu’on pourrait trouver directement dans la raison ? Sous le voile de la révélation, ce n’est plus alors que la théologie naturelle qu’il reste à découvrir. Sur Dieu, sur sa puissance, sur sa justice, sur l’utilité de la prière, sur la rétribution et la vie future, il ne paraît pas qu’on nous apprenne rien que la philosophie ne pût nous apprendre. Peut-être l’examen du Phédon de Platon ou de la Théodicée de Leibnitz nous en enseignerait-il davantage, et même