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luvions et des falaises entourant les vallées de leurs anneaux concentriques tracés sur les flancs des montagnes. Au nord du Grand-Lac, le capitaine Stansbury a compté treize plages superposées, dont la plus haute est à 60 mètres au-dessus de la nappe actuelle. Dans l’île de Frémont, qui s’élève à 250 mètres, on remarque d’anciens rivages taillés, comme les marches d’un escalier géant, jusqu’auprès du sommet. Évidemment les montagnes qui se dressent au-dessus de la surface unie du désert étaient autrefois des îles rocheuses semblables à celles qui jaillissent du sein du lac.

Il est facile de comprendre comment, pendant le cours des siècles, les eaux de la mer intérieure d’Utah ont constamment diminué et se sont saturées d’une aussi énorme quantité de sel. Le Grand-Bassin est séparé du Pacifique par de hautes montagnes qui arrêtent les nuées au passage, et ne leur permettent pas d’aller déverser l’humidité marine sur le plateau. Là, l’évaporation est très forte ; l’eau des lacs et des torrens est reçue par les vents et facilement transportée au-dessus des chaînes de montagnes, qui du côté du plateau n’opposent qu’une barrière peu élevée. Par suite de cette déperdition constante, le niveau des lacs s’abaisse, les torrens se dessèchent, les sources tarissent, le sel se concentre de plus en plus dans les bassins lacustres, jusqu’à ce qu’enfin il suffise du tribut des neiges et des pluies pour remplacer l’eau qui se perd annuellement. De nos jours, il est probable que l’équilibre de l’évaporation et des pluies est à peu près établi, car le niveau du lac baisse et s’élève tour à tour. Lors de la visite de M. Remy aux colonies des mormons, les habitans riverains lui dirent que l’eau avait monté de 2 mètres depuis trois ans, et qu’elle était d’un quart moins salée.

Le lac d’Utah, qui a donné son nom au territoire, est beaucoup moins étendu que le Grand-Lac ; mais il a l’immense avantage de n’être pas salé. Il est situé au pied des monts Wahsatch, à une quinzaine de lieues au sud de la capitale des mormons. Long de 50 kilomètres environ et large de 25, il n’a qu’une profondeur de 5 mètres. De nombreux affluens lui apportent des eaux douces et limpides dont il déverse le surplus dans le Grand-Lac-Salé par la vallée étroite et profondément encaissée du Jourdain. Les vallons qui bordent le lac d’Utah offrent de gracieux paysages ; mais ils ne peuvent se comparer sous le rapport de la beauté aux vallées des monts Wahsatch. Parmi ces vallées charmantes qui rappellent les plus beaux sites de la Virginie et de New-York, on peut citer Cache-Valley, Weber-Valley, Coal-Valley et surtout Timpanogos-Valley, séparée de la plaine par une fissure étroite où l’on n’a pu construire de route qu’en entaillant les parois du rocher. Une belle cascade de 300 mètres de haut se détache d’une corniche surplombante et