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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 32.djvu/954

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établis dans la presqu’île actuelle de Taman, et guerroyaient contre les peuplades caucasiennes des environs.

Les auteurs orientaux méritent également d’être consultés ; ils sont une des sources les plus précieuses auxquelles nous puissions avoir accès. Dès le IVe et le Ve siècle, les Arméniens connaissaient et leurs historiens énumèrent plusieurs tribus de l’intérieur du Caucase et les nations campées plus au nord, Scythes, Finnois, Germains, Turks et Mongols, qui, pareilles à une immense et passagère inondation, ont laissé échapper dans ces montagnes quelques vagues isolées, détachées de la masse principale. Les annalistes géorgiens, venus beaucoup plus tard, très inférieurs pour le savoir et l’esprit de critique aux Arméniens, et tout remplis de récits légendaires, ont le mérite du moins d’appartenir à une nation dont les rameaux se sont propagés jusque dans le centre du Caucase, et qui, dans la période brillante de son histoire, sous le roi David le Réparateur et la reine Thamar, au XIIe siècle, alla semer les germes du christianisme et de la civilisation jusque dans les gorges les plus reculées. Enfin les Arabes, dès les premiers âges de l’islamisme, portèrent leurs armes victorieuses et leur religion dans le Caucase oriental. L’Arménie, la Géorgie et la Perse devinrent des provinces de l’empire des khalifes. En guerre avec les Khazares, en relation de commerce avec les riverains du Volga, qui les approvisionnaient de ces pelleteries et de ces fourrures si estimées des Orientaux, les Arabes ne cessèrent de fréquenter le chemin qui, partant de la passe de Derbend, longe la Mer-Caspienne, et d’être en communication avec les populations stationnées sur le parcours de cette route.

En 1264, une des républiques marchandes de l’Italie, Gênes, profitant d’une alliance contractée avec l’empereur Michel Paléologue malgré les excommunications du pape, avait accaparé le commerce de l’Asie, dont le centre était alors Astrakhan : elle avait fondé dans la Crimée et sur la côte de la Circassie des comptoirs protégés par des forteresses dont les ruines sont encore en partie debout. Ces relations avec les indigènes, qui continuèrent jusqu’à ce que les Vénitiens, vers 1346, eurent dépossédé les Génois de ce commerce en lui donnant pour direction l’Égypte et la Mer-Rouge, ces relations nous ont valu l’intéressant récit de Giorgio Interiano (1551), que l’on peut lire dans le rare et précieux recueil de voyages de Ramusio. Postérieur de quatre-vingts ans environ à Interiano, le dominicain Jean de Luca, chargé d’une mission politique, on ne sait laquelle, par le roi de Pologne, parcourut la Circassie, dont il nous a laissé une description[1].

  1. Relation des Tartares Percopites et Nogaïs, des Circassiens et Géorgiens, dans Thévenot ; Relations de divers voyages curieux, Paris 1663, première partie.