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restant lui-même et en gardant son indépendance. L’ouverture des chambres trouve donc, sinon deux partis, du moins deux camps en présence. Où est la coalition ? où n’est-elle pas ? C’est une question débattue chaque jour avec une vivacité passionnée à Madrid. La coalition en vérité est partout : elle s’appelle dans un camp l’union libérale, et dans l’autre la régénération libérale. Il y a pourtant une grave différence, c’est que l’une de ces coalitions est au pouvoir, l’autre veut y entrer ; toutes les deux sont la plus curieuse expression de la désorganisation des partis et de l’incohérence qui a graduellement envahi la vie politique de l’Espagne.

Ce n’est point sans doute une situation nouvelle, ce n’est pas le ministère qui l’a créée. Le malheur ou la faute du cabinet du général O’Donnell, c’est de s’être reposé indéfiniment dans cette situation, d’avoir fondé son existence uniquement sur cette décomposition et cette faiblesse de tous les partis. Il a vécu ainsi, il est vrai, il a maintenu la paix matérielle ; mais c’est à cela qu’il s’est borné. L’union libérale, au nom de laquelle il arrivait au pouvoir, n’a été qu’un expédient, un mot de ralliement perpétuel, au lieu de devenir une réalité sérieuse, l’idée vitale d’une politique, et cela est si vrai que le ministère O’Donnell, après trois ans de durée, en est toujours au même point, obligé de louvoyer entre les modérés et les progressistes qui se sont ralliés à lui, disposant d’une majorité en apparence considérable, qui n’est encore, comme au premier jour, qu’une agrégation factice d’élémens incohérens. Le nouveau programme politique retracé dans le récent discours de la reine n’est que le reflet de cette situation ambiguë. Le ministère, en énumérant une multitude de projets sur l’organisation de l’administration publique, sur le régime de la presse, sur la réforme de la loi électorale, constate les difficultés bien plus qu’il ne propose de les résoudre, et ces projets qu’il remet au jour, qu’il livre à l’activité parlementaire renaissante, sont justement ceux qui l’été dernier n’ont satisfait personne, qui ont mis un instant la majorité en péril et menacé l’existence du cabinet.

Le général O’Donnell tient, dit-on, à passer pour un chef de ministère libéral ; qu’a-t-il fait cependant sur deux points essentiels qui touchent à la politique intérieure et à la politique extérieure ? Il a trouvé à son avènement une loi sur la presse qui était une œuvre de réaction, qui créait pour les journaux le régime le plus dur. Cette loi existe encore, et elle est appliquée chaque jour sans ménagement. Au dehors, une question s’est présentée, qui était une merveilleuse occasion pour une politique libérale : c’est la question italienne ; on sait le système que le gouvernement espagnol a suivi jusqu’ici. Ce système peut se résumer dans un double fait : le cabinet de Madrid a rappelé son ministre de Turin, et il a maintenu un ambassadeur à Rome près du roi de Naples. Le discours de la reine ne dit pas, il est vrai, comme on le lui a fait dire, que l’Espagne a obtenu des autres puissances une délibération en commun pour assurer l’indépendance et la sécurité