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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/519

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temporelles du saint-siège ; elle s’est efforcée seulement d’obtenir cette réunion européenne, et on sait la réponse qui lui a été faite par la France. Si le ministère espagnol nourrit au fond, comme on le dit, des sympathies pour l’Italie, il les manifeste d’une étrange façon, en refusant de reconnaître le nouveau royaume, en disputant aux consuls italiens les archives napolitaines, comme on le voit encore aujourd’hui. Au demeurant, il a trouvé le moyen de ne rien faire pour les causes qu’il soutient de sa parole, en assumant tous les inconvéniens d’une hostilité mal déguisée contre tout ce qui se fait au-delà des Alpes, et toute son action se réduit peut-être à espérer jusqu’au bout une évolution de la France, à compter sur une intervention collective de l’Europe. Par un singulier renversement de rôles, c’est l’Espagne qui a l’air d’appeler aujourd’hui un congrès de Vérone contre l’Italie. Cette indécision de politique, à vrai dire, ne nous semble suffisamment couverte ni par l’annexion de la République Dominicaine ni par l’intervention au Mexique, affaire qui n’est pas d’ailleurs seulement espagnole, et où le gouvernement de Madrid ne s’engage qu’avec le solide appui de la France et de l’Angleterre.

C’est cette incertitude dans la politique extérieure comme dans la politique intérieure qui, en laissant vivre le ministère du général O’Donnell, lui a créé une situation chaque jour plus difficile, étrangement aggravée d’ailleurs, il faut le reconnaître, par les animosités personnelles, par l’esprit de représailles. En peu de temps, il a vu grossir cette opposition qui n’était rien d’abord, qui comptait peu d’hommes éminens, qui voit aujourd’hui dans ses rangs le général Narvaez à côté de M. Rios-Rosas, M. Gonzalez Bravo à côté de M. Sartorius. Quelques sénateurs progressistes qui avaient accepté des fonctions du cabinet ont donné leur démission à la veille de l’ouverture des chambres. Tout annonce donc une lutte des plus vives. Dans cette guerre passionnée, les premiers engagemens sont, il est vrai, favorables au gouvernement. C’est M. Martinez de la Rosa, candidat du cabinet, qui a été élu dès le premier jour président du congrès ; son concurrent, M. Rios-Rosas, que les oppositions avaient choisi comme candidat, n’a réuni que 89 suffrages. Qu’on y songe pourtant : c’est quelque chose qu’un ministère si passionnément attaqué et se défendant si peu par sa politique ; c’est quelque chose aussi qu’une minorité de près de cent voix dans un pays où tous les ministères ont été presque assurés jusqu’ici du concours des chambres et où aucun d’eux n’a été réellement renversé par un vote parlementaire. N’y a-t-il pas là tous les signes d’une situation qui peut s’aggraver d’un instant à l’autre, et qu’une dissolution du congrès, si le ministère s’y décidait, ne raffermirait peut-être pas pour longtemps ?

Ce n’est pas la lutte des partis ou la possibilité d’une crise ministérielle qui pèse le plus aujourd’hui sur le Portugal, c’est la mort foudroyante et imprévue du roi dom Pedro. Ce jeune souverain, qui avait vingt-quatre ans à peine, qui avait succédé à sa mère dona Maria il y a huit ans, et qui ne régnait