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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/115

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questions, et que l’auteur des choses n’a pas voulu nous donner ici-bas la lumière qu’il réserve aux élus. L’Écriture est même conçue en général de telle sorte que, si l’on excepte peut-être quelques pages de saint, Paul, on y chercherait vainement l’enseignement didactique, d’une doctrine, l’exposition méthodique d’un seul des articles du catéchisme. L’église catholique est si convaincue de cette vérité, qu’elle défend de les y chercher sans un guide : elle interdit presque la lecture du texte, séparé du commentaire ; elle craint non-seulement que l’on comprenne mal ce qui y est, mais aussi qu’on y trouve ce qui n’y est pas. Or il y a des choses qui n’y sont pas et qui n’en existent pas moins. Il n’y a que vérité dans l’Écriture ; mais il n’y a pas toute la vérité, ou du moins elle n’y est qu’implicitement. Un chrétien doit être assuré qu’en ce genre rien ne s’y trouve qui ne s’accorde avec ce qui ne s’y trouve pas. La vérité évangélique est certainement conforme à toutes les vérités qu’elle suppose, mais qu’elle ne dit point. Cette conformité, nous pouvons l’affirmer, mais la montrer nous est impossible. Comment prouver que ce qu’on sait est d’accord avec ce qu’on ignore ? On peut dire que cet accord est nécessaire ; mais quel est-il ? Par la supposition même, on ne le sait pas.

Mais si on le savait, si on savait ce qu’on ignore, n’est-il pas vrai que l’on comprendrait mieux, que l’on connaîtrait mieux ce que l’on sait ? S’il nous est impossible de saisir la liaison du terme connu au terme inconnu, si nous ne pouvons nouer les deux bouts de la chaîne, pouvons-nous être sûrs, de connaître parfaitement même ce que nous connaissons, et, pouvons-nous garantir que la connaissance de l’inconnu ne modifierait pas notre, idée du connu ? Oui, si nous avons la certitude d’une connaissance parfaite, si nous sommes assurés de concevoir ce que nous savons exactement comme il est. Or c’est la confiance, c’est la certitude à laquelle prétend toute orthodoxie. Aucun croyant orthodoxe n’a la vanité de tout savoir ; mais il est persuadé qu’il n’y a point d’erreur dans ce qu’il croit, ou si, par humilité il n’ose répondre de lui-même il répond sans hésiter de la vérité du dogme, qu’il le lise dans l’Écriture, dans une confession de foi ou dans l’enseignement de son église.

La question qui se poserait serait donc celle-ci : — est-il vrai, est-il possible que la vérité soit exprimée sans mélange d’erreur dans le langage humain, et qu’ainsi exprimée, elle soit comprise sans mélange d’erreur ; par l’esprit humain ? — Nous indiquons seulement cette question générale, et nous nous en tenons à notre question particulière. L’écriture inspirée, c’est-à-dire divinement vraie pour le fond, a été humainement écrite. La vérité y est exprimée dans les formes de la pensée humaine, dans les conditions du langage humain.