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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/172

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nommé par lui, et qu’il ne lui serait pas possible, le voulût-elle, de se livrer aux exactions que peuvent se permettre des banquiers ou des établissemens libres qui ne sont soumis à aucun contrôle. Cela est si vrai que, partout où une banque privilégiée s’établit, le taux de l’intérêt baisse immédiatement ; nous en avons encore un exemple tout récent en Algérie, où depuis l’établissement d’une banque le taux de l’intérêt a baissé de 9 à 6 pour 100. Ce n’est pas le seul service que rende une banque privilégiée. Une banque privilégiée, en émettant pour un chiffre plus ou moins considérable de billets au porteur qui sont acceptés comme monnaie et rendent les mêmes services que celle-ci, fait faire au pays l’économie des espèces métalliques que ses billets remplacent. Si elle émet pour 400 millions de billets au porteur de plus qu’elle n’a de réserve métallique, c’est 400 millions d’économisés sur un métal qu’on ne se procure pas pour rien, et qui, rendu disponible, peut s’échanger au dehors contre d’autres marchandises utiles au pays. Non seulement l’économie du numéraire a lieu dans la proportion où les billets le remplacent, mais dans une proportion plus forte encore, eu égard aux facilités nouvelles qu’ils donnent à la circulation. Supposez par exemple que le billet au porteur passe dans dix mains plus vite que la somme qu’il représente en numéraire ne passerait dans cinq, les 400 millions se trouvent en valoir 800 pour les services qu’ils rendent, et ce sont 800 millions de numéraire qui sont ainsi économisés.

Maintenant sont-ce là tous les services que l’on doit attendre d’une banque privilégiée en retour du monopole qu’elle possède ? Il est évident que le monopole, par cela même qu’il est une dérogation à la liberté, impose de grands devoirs. Il ne se justifie que par les avantages qu’il procure au public ; autrement il n’a pas de raison d’être. Nous le reconnaissons volontiers, les avantages que le public retire du monopole de la Banque de France pourraient être plus étendus. En 1857, lorsqu’on renouvela son privilège, on lui imposa, entre autres conditions, d’établir au moins une succursale par département, et on lui donna dix ans. Le nombre des succursales qu’elle avait créées à cette époque était de trente-huit, et s’est augmenté de onze jusqu’à la fin de 1860. Il était arrivé à quarante-neuf d’après le dernier rapport. On voit que la Banque ne paraît pas pressée dans l’exécution de la clause, et que selon toute probabilité elle n’en avancera pas les délais. Par conséquent, jusqu’à la fin de 1867, il y aura de nombreux centres de population qui seront sans rapports avec notre principal établissement de crédit, avec celui qu’on a appelé la Banque de France, et qui pendant quelque temps encore ne sera la banque que d’une partie de la