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au total de 426 ballots ! Que de fois cependant on avait affirmé que le coton algérien affranchirait un jour la France du tribut payé à l’Amérique !

Sûres de l’Égypte, les associations formées en Angleterre dirigent leurs efforts vers d’autres pays de l’Afrique, principalement vers la côte de Guinée ; elles font appel à l’intérêt des noirs de Sierra-Leone, de Libéria, d’Abbeokuta, et leur vantent la culture d’une plante qui doit à jamais assurer leur liberté. Dans l’espace de quelques années, les planteurs nègres ont obtenu des résultats étonnans, et dès 1859 le seul district d’Abbeokuta expédiait 5,000 balles, douze fois plus que la colonie d’Alger. Pour sauvegarder cette culture si importante et la défendre à la fois contre les incursions des amazones du roi de Dahomey et les expéditions plus redoutables encore des négriers, le gouvernement anglais s’est récemment emparé de Lagos et s’est fait représenter, par un vice-consul dans la ville d’Abbeokuta. Le traité en vertu duquel l’Angleterre a pris possession du territoire de Lagos mérite une place d’honneur dans les archives diplomatiques, car jamais peut-être on n’a fait moins de cas d’un peuple acheté pour quelques livres sterling, des fusils, des cotonnades et des barils de rhum ; mais, en dépit du mépris que le gouvernement anglais affiche pour les habitans en consentant à tolérer leur présence, la prise de possession de Lagos par la Grande-Bretagne n’en est pas moins un des événemens les plus heureux, en ce qu’il rend la traite impossible dans cette partie de l’Afrique, et permet à la population si souvent décimée par les guerres et la piraterie de se fixer enfin sur le sol et de s’adonner sérieusement à l’agriculture. Sur la côte de Guinée, comme à la Jamaïque et dans la république d’Haïti, c’est le cotonnier, cette plante si fatale jadis à la liberté des nègres, qui doit aider maintenant à leur émancipation définitive.

On peut dire que le monde entier est devenu pour les Anglais un champ d’expériences : en 1861, grâce aux efforts des associations et des particuliers, les filateurs de Manchester ont pu comparer plus de deux cents espèces de coton, toutes de provenances différentes, et pour 1862 on leur promet encore d’autres échantillons. Parmi les colonies qui leur donnent le plus d’espoir, on peut citer la terre de Natal, où seize cents coolies nouvellement importés s’occupent uniquement de la culture du cotonnier, et surtout la province australienne de Queensland, qui fournit des variétés de sea-island plus fines que celles de la Géorgie, mais qui est encore privée d’un nombre suffisant de travailleurs. Tous ces pays, habités par quelques milliers des énergiques enfans de l’Angleterre, vont s’efforcer, chacun pour sa part, de réduire le déficit des approvisionnemens du Lancashire ; mais l’industrie anglaise a de grands besoins et des espérances plus vastes encore : c’est vers l’Hindoustan qu’elle tourne