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obscur au moment où le disque lunaire recouvre tout à fait l’astre lumineux. On a donc été forcé d’admettre qu’il existe une troisième atmosphère, très épaisse et assez transparente, qui entoure la photosphère elle-même.

Il était impossible que M. Kirchhoff, à la suite des belles découvertes qu’il a faites avec M. Bunsen, ne songeât pas à réformer les doctrines astronomiques relatives à l’astre central de notre système planétaire. Pour lui, le disque visible du soleil n’est point formé par une photosphère ; il ne croit point aux deux enveloppes de Herschel et au noyau central obscur ; il regarde le soleil comme un corps incandescent dont les contours sont ceux mêmes du globe lumineux que perçoit notre œil, et qui se trouve entouré d’une immense atmosphère riche en substances les plus diverses. L’ancienne théorie était fondée entièrement sur les apparences des taches. M. Kirchhoff les considère comme des nuages flottans dans l’atmosphère solaire ; il admet que ces nuages peuvent se former à des hauteurs différentes, comme il arrive dans notre propre atmosphère, Deux nuages superposés, de grandeur inégale, nous apparaissent de loin comme une tache obscure entourée d’une pénombre. Il faut avouer qu’en mettant au centre du soleil un noyau obscur, et en lui donnant pour première atmosphère une zone à demi sombre, on offre à la raison une hypothèse qui contrarie vivement les inductions instinctives du bon sens. Si la photosphère est le foyer de chaleur et de lumière solaire, on ne comprend guère comment toutes les substances qu’elle contient n’ont pas été portées par degrés, si faible qu’y soit d’ailleurs la conductibilité, à la température de l’incandescence. On peut bien garder quelque temps un morceau de glace dans une chambre chaude, mais il finit toujours par fondre. Supposez le noyau du soleil aussi froid que vous voudrez, assez froid pour être habitable par des êtres tels que nous, le rayonnement de cette fournaise qu’on nomme la photosphère devra graduellement élever la température de la première atmosphère et celle du globe solide lui-même. Je pense donc que M. Kirchhoff a raison de repousser une théorie qui est en opposition avec toutes les lois connues du mouvement de la chaleur.

Reste pourtant l’observation célèbre d’Arago. Si, comme le prétend M. Kirchhoff, le disque lumineux n’est point une photosphère gazeuse, comment se fait-il qu’il nous envoie de la lumière non polarisée ? À ce sujet, le savant allemand remarque que si les corps lumineux liquides émettent de la lumière polarisée, c’est parce qu’on les observe immobiles ; si on les examinait agités, il pense que, la lumière étant alors émise sous les angles les plus divers, il n’y aurait plus d’uniformité dans le sens des mouvemens vibratoires,