Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/421

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par conséquent plus de polarisation. Il croit donc que la surface visible du soleil peut fort bien être liquide et cependant émettre de la lumière non polarisée ou naturelle, parce que ce vaste océan de feu n’a point une surface unie comme un miroir, qu’il est sans cesse hérissé de vagues énormes et balayé par d’épouvantables tempêtes. Faire de telles suppositions, ce n’est pas céder à l’entraînement de l’imagination. Tout mouvement des airs et des eaux résulte d’une simple différence de température : quelques degrés de moins au pôle qu’à l’équateur sur notre terre, et voilà la mer traversée par des courans et des contre-courans, l’atmosphère ouverte aux vents, agitée par les tempêtes ; mais, qu’on y réfléchisse, les fluctuations de température, si faibles sur notre planète, doivent être immenses dans le soleil et autour du soleil. La condensation des vapeurs métalliques de l’atmosphère, la vaporisation du bain solaire sont des phénomènes bien autrement grandioses que nos pluies terrestres. Quelle puissance doivent avoir les vents alizés sur une sphère aussi vaste que celle du soleil ! Quelles pluies épouvantables doivent tomber du flanc de ces nuages aussi étendus que nos plus vastes continens, tout chargés de métaux en ignition ! Les variations de température dans l’atmosphère solaire peuvent s’estimer, avec de grandes chances de probabilité, à plusieurs centaines de degrés ; les pressions atmosphériques doivent varier dans les mêmes proportions, tandis que, dans les baromètres terrestres, c’est par millimètres seulement qu’on estime les différences de pression dans la colonne mercurielle qui fait équilibre au poids de l’atmosphère. Et pourtant, on le sait, une chute rapide de quelques millimètres dans la colonne barométrique est l’avant-coureur certain d’une violente tempête.

Après avoir décrit le soleil, comme un globe liquide incandescent, entouré d’une épaisse atmosphère pénétrée des corps simples que nous retrouvons dans notre planète elle-même, M. Kirchhoff s’arrête. Il ne cherche pas à expliquer comment s’est allumé ce foyer de chaleur, ni comment il s’entretient. La question, si elle ne peut être résolue complètement, mérite au moins d’être discutée. Si le soleil n’était qu’un corps échauffé rayonnant dans l’espace, semblable à un boulet de canon rougi, il est à croire qu’il ne pourrait rester longtemps aussi brillant qu’il nous apparaît et qu’il est apparu à nos aïeux les plus éloignés. La chaleur qu’il perd par le rayonnement est véritablement énorme. M. Pouillet a calculé que pendant chaque seconde il émet 13,300 calories, c’est-à-dire 13,300 fois, la quantité de chaleur nécessaire pour élever 1 gramme d’eau de zéro à 75 degrés. Veut-on avoir une idée plus facilement appréciable de cette quantité de chaleur ? Employée à exercer un