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l’exemplaire appartenant à Polexandre, n’a pas résisté davantage à l’influence de cette image enchanteresse. Polexandre, non content de reconquérir les armes à la main le portrait qui lui appartient, combat sur terre et sur mer tous ceux qui possèdent les autres portraits et qui ont l’audace de se dire amoureux de l’incomparable Alcidiane. Il revendique et obtient ainsi l’honneur exclusif d’arborer cette qualité. Tout ce qui se rapporte à ce thème de galanterie sophistiquée constitue la partie faible du roman. Quoique Laharpe en parle d’une manière très inexacte, nous l’abandonnons volontiers à ses railleries ; mais sous ce verbiage sentimental, renouvelé de l’Amadis et de l’Aslrée, il y a chez l’auteur du Polexandre, une préoccupation assez curieuse d’exactitude géographique ou topographique et de couleur locale dans le tableau des coutumes et des mœurs. Cette préoccupation, déjà visible chez d’Urfé en ce qui concerne le paysage et les événemens historiques, est plus marquée encore dans le roman de Polexandre pour ce qui touche non pas à l’histoire, car il n’y a rien d’historique dans ce roman, mais à la peinture de pays lointains, récemment découverts, ou de contrées alors peu connues en France. Rien de pareil, sous ce rapport, au Polexandre dans tous les romans antérieurs.

On a déjà vu que Gomberville avait le goût des relations de voyages ; il a condensé dans cet ouvrage tout le résultat des ses lectures. En cherchant l’île inaccessible où réside la dame de ses pensées, le roi des Canaries ne se trouve pas seulement engagé dans de fréquens combats de vaisseau à vaisseau contre des corsaires ou des soupirans d’Alcidiane ; mais, comme il a aussi une flotte à sa disposition, il livre de temps en temps aux Portugais ou aux Espagnols de véritables batailles navales, dont les principales manœuvres sont décrites sans aucune incorrection grossière. L’auteur s’attache également à décrire avec vérité soit les tempêtes, soit les naufrages qui viennent assaillir son héros. De plus, grâce au thème romanesque adopté par Gomberville, Polexandre est en rapport avec des personnages de tous les pays, et, soit que pour leur rendre service il les suive dans leur patrie, soit qu’il se contente d’écouter leur histoire, la scène est tour à tour transportée dans les régions les plus diverses. Avant même qu’il soit devenu amoureux d’Alcidiane, Polexandre, dès sa jeunesse, a fait un premier voyage en France, où il est venu constater sa parenté avec Charles VIII comme descendant du duc d’Anjou, frère de saint Louis (Gomberville ne nous dit pas si c’est de la main droite ou de la main gauche). Le jeune prince canarien a fait de grands ravages parmi les dames et demoiselles, de la cour. Il est alors plus insensible encore non pas que l’Hippolyte français, mais que l’Hippolyte