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déchiffre celui de Constantin. On rencontre Titus et Vespasien en suivant les pas de Néron, qui lui-même avait enseveli sous son palais la maison de Mécène. Les hontes de l’empire ont naturellement laissé plus de traces encore visibles que les vertus de la république ; les temps de la décadence sont plus souvent représentés que les siècles du goût, et dans les ruines de Rome vous ne rencontrerez pas plus communément la vraie gloire que la vraie beauté. Qu’on juge de ce qu’il faut de soin, de tact, de patiente investigations de talent de comparer et d’induire, enfin d’imagination reproductive pour retrouver ce qui a été dans ce qui n’est plus, et avec la poussière de chaque siècle remodeler l’image de ce siècle même. Et qu’on ne s’étonne pas si nous admirons l’entreprise de M. Ampère, en n’osant pas toujours le suivre partout où il voudrait nous entraîner.

Mais, que serait-ce encore si nous dépassions l’enceinte du Forum en marchant jusqu’au pied du Célius, ou si nous gravissions les pentes de ces collines qui nous entourent, le Palatin, l’Esquilin, ou même le Quirinal, qui touchait au mont Capitolin ? Nous nous sommes arrêtés devant le temple de Vénus et de Rome, et presque en face du chef-d’œuvre d’Adrien, l’arc, dit de Constantin servait de porte à la voie Triomphale. Du temple de Mars, par-delà la porte Capène, un chemin en pente, Clivus Martis, conduisait par la vallée du Célius et du Palatin les légions victorieuses au Capitole. L’arc, un des édifices romains les mieux conservés a trois ouvertures, et sur chaque face quatre colonnes de jaune antique surmontées de statues de prisonniers daces. Ces images et de nombreux bas-reliefs qui retracent les victoires de Trajan dans la Vallée du Danube et Trajan lui-même ne laissent pas de doutes sur l’origine, d’un monument dédié par la reconnaissance du sénat et du peuple à l’un des plus grands princes que le monde ait eus pour maîtres. Cependant on montre des sculptures, une frise, des médaillons, deux sujets en bas-relief, des figures de Victoires sur la base des colonnes, enfin deux inscriptions irrécusables, ouvrages d’une époque qui s’abaisse, d’un art qui se perd, témoignages certains d’un hommage à Constantin, vainqueur de Maxence, et l’arc porte son nom. Comment croire que cet empereur ait déplacé pour s’en faire honneur les plus belles parties d’un monument élevé à Trajan sur la voie Appienne, près du temple de Mars ? Il le faut cependant, ou si, comme je pencherais à le supposer, l’arc n’a jamais changé de place, c’est toujours dans la décadence universelle, la vanité du prince, l’effronterie des flatteurs, l’impuissance des artistes qui auront appliqué, en le travestissant par des additions malheureuses, le monument de Trajan à l’honneur de Constantin. On doit remarquer