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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/454

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législatives, l’on pouvait compter que la diète générale au sein de laquelle allaient se rencontrer pour la première fois les députés de toutes les provinces de la Prusse prendrait bientôt une telle autorité qu’elle ne tarderait pas à conquérir les prérogatives qu’on lui refusait encore. Les parties les plus reculées de l’Europe subissaient la salutaire contagion de nos idées et de nos exemples. En Danemark, le roi Frédéric VII venait de promulguer à son avènement au trône une constitution qui s’inspirait à la fois des principes de notre charte et de ceux que la Hollande mettait si heureusement en pratique[1].

Mais que dire de ce qui se passait en Italie et de l’écho que rencontrait notre voix sur les Alpes et aux bords du Tibre ? En 1846, on sait quel spectacle offrirent au monde les dix-huit premiers mois du pontificat de Pie IX. Jusqu’au jour où, sous l’impulsion républicaine imprimée par la révolution de février, le pied du pape réformateur eut glissé dans le sang de son ministre, les esprits même les plus étrangers à la foi catholique purent croire Jean Mastaï appelé à inscrire son nom parmi les noms providentiels des grands bienfaiteurs des peuples. L’Italie avait tressailli sous cette parole douce comme une bénédiction, ardente comme un glaive, et une œuvre analogue à celle de notre consulat commençait en 1847 dans la péninsule en présence de l’Autriche immobile et confondue. La proclamation d’une amnistie générale, la création d’un conseil d’état, d’une représentation provinciale élective, la formation d’une garde civique, la restauration des grandes écoles, toutes ces mesures édictées du haut de la chaire de saint Pierre avaient été couronnées par un motu proprio qui posait les bases d’une administration laïque, et dans lequel la France était heureuse de reconnaître les inspirations de M. Rossi, alors ambassadeur à Rome. L’Italie s’était agitée de l’une à l’autre de ses extrémités à la voix de Pie IX ; toutefois il n’y a pas à douter que ses divers gouvernemens, associés en 1847 au mouvement régulier de la régénération nationale, ne fussent demeurés les maîtres d’un mouvement même plus rapide, si la révolution italienne avait continué de prendre dans la France constitutionnelle son diapason et ses exemples, et si le cratère subitement ouvert à Paris n’était venu projeter ses scories et sa lave jusqu’au-delà des monts. À Turin, Charles-Albert commençait à entrevoir le grand rôle que lui préparaient les réformes de Pie IX et le concours moralement assuré de la France. Vingt jours avant l’heure où quelques centaines d’émeutiers proclamaient à Paris les institutions constitutionnelles incompatibles avec les besoins de la civilisation moderne, le Piémont leur prêtait un serment qu’il allait bientôt, sous les ordres de son

  1. Constitution promulguée à Copenhague le 28 janvier 1848.