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roi, sceller d’un sang généreux à Goïto et à Pastrengo. Le projet d’une union douanière élaboré à Turin devenait enfin entre les divers gouvernemens péninsulaires le gage d’un heureux rapprochement. Dans sa constitution territoriale aussi bien que dans son organisation intérieure, l’Italie demeurait donc, durant la période antérieure au 24 février, en plein accord avec nos intérêts extérieurs comme avec nos formes politiques ; nous avions été la seule source de ses inspirations, nous ne pouvions manquer d’être bientôt son seul bouclier, si l’Autriche tentait d’arrêter, par les armes un mouvement si redoutable pour la permanence de sa domination au-delà des Alpes. Régie par des institutions conformes aux nôtres, l’Italie aurait donc probablement convié, dans un terme prochain la monarchie de 1830 à venir défendre au-delà des Alpes une cause dont nos premiers intérêts nous imposaient le patronage, et nous y aurions eu le profit, au lieu d’y avoir la responsabilité des événemens. Alors se seraient ouvertes par la force même des choses, en dépit des répugnances d’un vieux roi pacifique, des perspectives que laissait déjà pressentir un mouvement de plus en plus sensible dans l’esprit public, mouvement qui, sans altérer la forme du pouvoir, aurait donné à son action des aspects et des instrumens nouveaux. Pour recueillir le bénéfice de ces éventualités fécondes, le temps seul a manqué, le temps qui suffit à tout, et que rien ne remplace. L’Italie, abandonnée par la république, n’aurait pu l’être par la monarchie constitutionnelle, car dans la plénitude de ses ressources, en présence de deux tribunes qui excitaient alors le pays sans l’alarmer, la France n’aurait pas permis la désertion qu’en 1849 ses terreurs purent à peine lui faire supporter.

Quoi qu’il en soit, des symptômes non équivoques baissaient pressentir dès l’année 1846 qu’une évolution dans l’attitude du pouvoir serait bientôt une question de haute prudence, sinon d’absolue nécessité. La politique qui avait depuis dix-huit ans concentré sur la conquête de l’Algérie les forces vives de la France et que venait de couronner la prise de l’émir Abd-el-Kader, la bonne conduite qui avait après juillet rétabli l’ordre dans les rues, et dans les idées sans imposer de sacrifices à la liberté, qui avait triplé la richesse nationale par des travaux productifs sans grossir le fardeau des charges publiques, ce gouvernement plus jaloux de suivre l’opinion que de la devancer par une initiative hardie, ne suffisaient plus aux aspirations d’un pays prospère et blasé, auquel il fallait du nouveau, n’en fût-il plus au monde. Du haut de la tribune, les organes de l’opposition adressaient au pouvoir le reproche d’ennuyer la France depuis sept ans, tort qu’à certains jours celle-ci-pardonne moins que celui de la ruiner, tort véritable toutefois aux yeux d’un peuple qui